Quatre janvier deux mil quinze.
Quatre heures quarante cinq.
AnneAnne.
Bonjour,
Je pense à toi et à ton dernier
courriel. Je t'ai envoyé les liens que j'ai enregistrés pour toi sur mon
dictaphone, pour que tu ne te fatigues pas
les yeux.
Je continuerai à faire ces
enregistrements sans cesser de t'envoyer les courriels.
Tu pourras les lire quand tes yeux
seront reposés.
Je suis aller visiter André H. hier
vers seize heures. Il était assis dans son fauteuil. Ruth lisait le journal sur
la table à manger. En m'accueillant, André H. me dit qu'il était content de me
voir, mais qu'il ne pouvait pas me parler, ce à quoi j'ai répondu : « le
silence est aussi une preuve d'amitié ». Il avait une voix encore plus
faible.
Il avait encore maigri, Ruth me disait
qu'il ne mangeait pas.
André H. m'a fortement demandé
comment je me portais. Il s’endormait quelques minutes. Pendant que je parlais
avec Ruth H., il dit, en ouvrant les yeux, qu'il était content que je parle à
Ruth.
Ils n'avaient pas eu beaucoup de
visiteurs.
Je parlais de temps en temps à André
H. quand je le sentais disponible.
Lui demandant ce qu'il pensait, il me
dit qu'il faisait dans sa tête la même chose que moi.
Ruth n'avait pas compris que
« la même chose que moi » était la chronologie de sa vie.
J'avais raconté à André H. le travail
d’écriture que je faisais. La recherche de dates et de souvenirs dans tous mes
papiers que j'inscrivais sur de grandes feuilles. Acte nouveau pour moi, ayant
une allergie profonde pour tous classements, pour l'histoire… plutôt pour mon
histoire.
Je suis resté jusqu'à la tombée de la
nuit. André H. disait quelques mots de temps en temps et avait la force de
faire des mots d'esprit.
Ensuite, je suis allé rendre la
voiture à Netanel E., qui m'a raccompagné, est monté à l'appartement pour faire
un peu d'ordre dans mon ordinateur.
Après le départ de Netanel E., j'ai
téléphoné à D. Ep., pour lui donner des nouvelles d'André H.
Je me suis couché tôt, écoutant je ne
sais plus quoi. Dormant et me réveillant de temps en temps avec la tablette qui
débitait des conférences. J’étais entre l'écoute et le sommeil léger.
D. Ep. veut aller visiter André H.
demain, dimanche.
Cinq heures dix.
Je corrige et m'aperçois de toutes
les inversions de lettres devenues presque habituelles. Les doigts sur le
clavier se comportent indépendamment de moi. Ils buttent sur le
« ai » qui devient « ia » et ainsi de suite…
J'ai tendance à ne pas vouloir
corriger pour te laisser voir ce problème dyslexique.
Il y a deux mondes, celui de l'écrit
et celui de la parole.
Le monde de la parole est plus libre,
fluide, sans inhibitions.
Sans inhibitions, parce que l’on croit
que la parole ne laisse pas de traces.
L'écrit demandant plus d'attention,
est visible sur la feuille blanche ou l'écran. Cette visibilité laisse le temps
de la critique, de l'insatisfaction. Il paralyse aussi, le flux et le rythme.
Cinq heures trente.
AnneAnne,
Le jour va bientôt se lever. Un bon
réveil pour toi, réveil heureux et sans douleurs. Avec des forces nouvelles que
j'accompagne de ma grande amitié transparente entre les lettres et les mots
maladroits. Il faut écarter la maladresse pour que la tendresse amicale se
laisse voir.
Bon jour, bon se lever. Je vais faire
mon troisième café.
Ychaï.
P.S.
Je t'ai envoyé par « Web Transfer »,
cinq minutes de la vidéo de l'expo.
J'ai été étonné et ravi par le
travail du montage et par la qualité du son et des images.
Je ne m'y attendais pas. Avec le
retard de la livraison, désespéré, j’avais perdu ma confiance envers le vidéaste.
Celui-ci avait donné à faire le montage à ce Chen Kalifa, que je ne connais
pas, mais à qui, j'ai envoyé de vifs compliments et remerciements.
Ces cinq minutes sont la promotion
qui permettra à Itaï, le vidéaste, de traiter avec les deux chaînes de télévision
qu'il a contactées pour faire rentrer de l'argent et continuer son travail.
C'était la seule bonne surprise de
ces derniers jours.
Roger Bénichou-YchaÏ
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