mardi 20 septembre 2016

postface 6 juillet 2016

Jérusalem, le six juillet deux mil seize.

AnneAnne,

J’écris ce courriel en guise de postface.

Je n’ai pas eu de tes nouvelles depuis longtemps. Je ne sais plus rien de toi, de ta vie, de ta santé, de ta famille, depuis plus d’un an.

Je t’espère en vie, en bonne santé.

Le silence épistolaire qui s’était créé entre nous m’a donné beaucoup à réfléchir : que faire devant cette situation ?

Ma décision, après de longues réflexions, fut de ne pas chercher ni à t’écrire, ni à chercher à te téléphoner (j’ai gardé ton numéro de téléphone), ni à savoir ce qu’il en est de toi.

J’ai pensé qu’il valait mieux mettre en forme notre correspondance et chercher à la publier.

Durant ce temps, Yonathan S. est apparu et nous avons travaillé ensemble à la correction de tous ces courriels. Cela nous a pris six mois. Grâce à lui, et à son assistance généreuse et compréhensive, nous avons pu finir et ouvrir un « blog ».

Nous cherchons aussi à l’éditer en ligne et en papier si nous trouvons un éditeur français ou parlant la langue française (un canadien ou autre).

Je peux imaginer que, peut – être, par hasard, par miracle, tu pourras tomber sur ces écrits dans cette immensité qu’est la mer d’Internet. Si cela arrive, ne me critique pas, mais sache que l’apparition de ces mots, ces phrases, ces récits, ces souvenirs, viennent de toi.

Sans ton amitié et ton assistance affectueuse, je ne pense pas que j’aurais pu mener à bout ce travail.

Alors, comment te remercier ?

Faudra – t – il encore écrire des mots ?

J’aimerais ouvrir mon cœur et chercher le moyen technologique pour t’envoyer le souffle de ce silence.
Mon silence rempli de bruissements imperceptibles et de petites musiques presque inaudibles. Un silence qui atteint le calme après la tempête des mots, de tous les mots qui nous ont traversés à travers notre correspondance et qui nous ont permis, m’a permis d’écouter pour toi, avec toi, le clapotis qui, peu à peu, deviendra un petit lac.

La surface de ce lac, le lac de l’attente, l’attente de l’autre, de l’ailleurs, du là – bas, que nous attendons tous.  

Là où tu es, prête l’oreille, une oreille complaisante et aimable pour entendre et écouter ce silence de cœur qui sonne au creux d’une absence. Ton absence.

AnneAnne, merci.

Au revoir.  


  

18 juillet 2015 Roger

AnneAnne,

Tous les jours, je pense à toi.
Je pense à écrire. Je ne le fais pas, non pas parce que je ne veux pas, mais parce que je suis préoccupé.
J’écoute beaucoup les conférences du Collège de France pour m'aider à sortir de ces préoccupations.
Je me pose des questions à propos de ton absence d'écriture, et de ta santé.
Je t'embrasse très amicalement.

Ychaï

Roger Bénichou-YchaÏ


3 juin 2015 Roger

Trois juin deux mil quinze. Huit heures seize.

AnneAnne,
L’espace de mes réponses est un peu plus long et je le déplore.
Merci de ton courriel et de tes nouvelles.
De jour en jour, les effets de la désintoxication se manifeste.
Hier, je suis encore descendu dans le centre du pays parce qu’André Hajdu a donné un petit concert de ses œuvres pianistiques. 
J’ai passé toute la durée du voyage à me donner des petits coups de doigts sur mon visage, ayant l’impression d’avoir subi une anesthésie dentaire.
Mon état général physiquement et mentalement s’est beaucoup amélioré, je ne regrette aucunement ma décision de sevrage, j’accepte et je suis heureux de toutes les conséquences.
Je me sens comme une fleur qui déploie ses pétales. Cette éclosion, comme toute éclosion (j’écris à la place de la fleur), doit être comme un accouchement douloureux.
Avec ces derniers temps, mes voyages, mon emploi du temps ou mes résolutions d’ordre, de travail se sont disloquées.
La fin de l’année scolaire disperse aussi mes prévisions car les jeunes assistantes sont en pleine période d’examens.
Huit heures trente.
J’ai rendez-vous avec Esti H., une amie avec qui nous avons peint à Mousrara pendant de longues années dans l’atelier que dirigeait Anatoly Basin. Hedi Tarjan avait repris la direction de cet atelier, quand Anatoly Basin, n’a plus voulu enseigner.
Faut-il accorder enseigner en « é » ou en « er » ?

Je voulais perfectionner l’écriture de l’histoire du « Sage David ».        
Progressivement, dans mon travail de recherche archéologique dans tous mes papiers et petits bouts de papier, je retrouve des dates, des adresses, des noms.
La continuation de la chronologie s’est un peu distendue. Il faut que je repense comment structurer toutes mes pensées organisatrices.
Le studio, l’appartement, le nouveau désir de mettre à jour et au monde mes travaux.
Peintures, écrits et autres.
Je n’ai pas encore réussi à rencontrer Albert S. pour parler du projet d’écriture de la présentation de « Mère ».
C’est un écrivain, qui a écrit une critique publiée dans un journal local il y a plus de vingt cinq ans, homme très sympathique mais un peu oriental dans sa notion du temps.
J’avais connu sa mère, venant du Maroc, décédée, depuis quelques années, qui avait créé un kiosque, petit restaurant, au coin de la rue Azza (Gaza). « A » en arabe se prononce « ga ». « Rrâ » profond, un peu comme la « jota » espagnole.
Albert a repris cette activité. Une de mes assistantes, Ruth, a travaillé dans ce kiosque surmonté, d’un grand parapluie. Ce kiosque a été restauré par l’écrivain, qui lui a donné comme nom « Sigmund », en référence à Freud.
Je travaillais dans les années mil neuf cent quatre vingt deux – quatre vingt trois comme vendeur d’appartement dans l’agence que Ben et Anne avaient créée dans cette même rue.

Je me prépare à rencontrer Esti H. à neuf heures trente, dans la petite épicerie « bio », à l’entrée de laquelle, il y a un petit coin restauration. Le nom de ce magasin bio et organique est « Zmora ». Ce nom sonne et fait résonner dans ma tête le nom d’une vielle tante que je revois vieille et malade dans son lit, au-dessous duquel les petites pâtes alimentaires qu’elle fabriquait entre deux doigts et auxquelles, elles donnaient une forme de petite graine allongée, étaient mises à sécher.
Elle habitait chez l’unique sœur de mon père, Marcelle.
Marcelle s’est mariée. Son mari s’appelait Benichou, comme notre nom de famille.
Pendant longtemps, je n’ai pas compris pourquoi, malgré son mariage, elle s’appelait encore comme moi.

AnneAnne,

Malgré que je n’écrive pas, je pense à toi. Le dernier de tes courriels donne l’éclat de l’attente des prochains.
Je t’embrasse les bras grands ouverts pour l’accueil le plus affectueux.

Ychaï.

Neuf heures.

Roger Bénichou-YchaÏ


30 mai 2015 Roger

Trente mai deux mil quinze.

Sept heures cinquante huit.

AnneAnne,

Rêver d’être quotidien !
Merci de ton courriel, vraiment.
Je suis toujours heureux de te lire malgré que tu ne me donnes pas de nouvelles de ton état de santé. Te lisant, je m’imagine que les problèmes de vue ont été guéris après ta visite chez le spécialiste.
Je « courrielle » des mains en soignant mes pieds dans la bassine tchécoslovaque remplie d’argile verte et de feuilles de thé vertes qui macèrent depuis des semaines.  
C’est une de mes innovations pour guérir la peau entre les orteils. Ces endroits étaient devenus très sensibles à cause de la chaleur et de la fragilité de mon derme.
Fragilité  physique et psychique.
J’invente, change souvent les moyens que j’emploie pour guérir.
Comme je te l’ai écrit, je ne prends plus aucun médicament, si ce n’est quelques compléments alimentaires que j’achète en France dans le laboratoire « Lescuyer ».
Peu à peu, mon corps et ses manifestations, démangeaisons, douleurs de dos deviennent moins douloureuses.
J’ai l’impression d’être plus clair, d’avoir une nouvelle sorte d’énergie. Ma tête est le lien de milliers de petits picotements désagréables mais supportables. J’imagine que ce sont des signes de changements et d’éclosion de l’homme nouveau.
Beaucoup d’idées de travail, d’espoir. Mon travail va peut-être aboutir et se mettre à la vue.

Le sage David.
Tu verras sa photo dans la chronologie.
Je prépare cette chronologie en pensant l’illustrer de photos et de petits textes. Je suis comme le jasmin que j’ai planté. Je ne peux m’empêcher de foisonner.
La chronologie bouge et devient comme un arbre. Le tronc est envahi par les branches, les feuilles et les fruits. Un saule ou un petit cerisier.
L’assistante, Noga, avec qui je travaille, amène ses amies, car elle parle de moi et de mon travail dans l’école des Beaux-Arts « Betsalel » à l’Université Hébraïque de Jérusalem.
Les tentures avancent grâce à leurs mains et à leurs paroles.

Dan Wolman.
Le film commencé, il y a sept ans, est sorti sur l’écran de la cinémathèque de Tel-Aviv. Il sera aussi projeté ce prochain dimanche à Jérusalem. Je suis très gros dans ce film. Je n’avais pas encore perdu mes graisses anciennes.
Je ne sais pas quoi penser à propos de ce film. Mes amis qui l’ont vu me disent que je joue bien. Ce film est une sorte de comédie. J’ai du le regarder déjà quatre fois. Pendant ces visionnages, j’ai eu des moments d’ennui et d’énervement sur la manière et la vision  artistique du metteur en scène.

Le sage David.
J’avais connu ce sage à mon installation rue des Prophètes. Sa femme, la fille d’un grand mystique venu du Maroc, Baba Salé, avait « fabriqué » mon mariage.
J’ai appris et j’apprends à ne plus laisser les personnes de bonne volonté manipuler ma vie.
L’angoisse de ma montée en âge, la pression de la société, la confiance que j’avais donnée à ce sage qui, lui aussi, mettait une pression pour accélérer mon adhésion à cette union, ont été les éléments de mon acceptation.
J’ai vite compris, après quelques jours, et peut-être même avant le mariage, qu’il n’y aurait pas d’amour. L’angoisse d’Odélia et sa volonté de procréer, passaient avant sa considération et son attention pour la construction d’une vraie relation.
Le temps passait sans qu’il n’y ait de signe de nouvelle vie dans son ventre. Elle devenant de plus en plus bigote.
Cette situation a duré plus de trois mois. J’ai du subir les affres des la procréation assistée jusqu’au moment où l’hôpital me signifia qu’il n’y avait plus rien à faire.
Nous nous sommes tournés vers les associations qui auraient pu nous permettre d’adopter un enfant. A cause de ma pauvreté, nous avons essuyé un refus. Odélia aussi ne gagnait pas beaucoup d’argent. Elle travaillait seulement quelques heures comme professeur d’anglais, je ne sais plus où.
Dans cette période, elle consultait les vielles femmes dévotes qui lui donnaient des conseils pour procréer. Ainsi, j’ai dû manger des couilles d’animaux, boire des eaux dans lesquelles avaient trempé des écritures sacrées, et autres délires…
Est-ce que ces histoires de bigoterie mériteraient un fil ?
Me pensant comme un être doux, j’avais beau demander à Odélia de la patience, lui expliquer que, selon moi, un enfant devait être conçu par l’amour. Que nous devions avoir de la patience l’un vers l’autre, elle restait dans son angoisse de ne pas avoir d’enfant. Arriva le moment où elle demanda le divorce.
Je suis allé dans les bureaux pour demander les papiers de procédure. J’ai mis ces papiers sur le piano, ce piano droit Pleyel qui avait voyagé d’Oran à Paris et trônait dans l’appartement de la rue des Prophètes. Ces papiers sont restés à la même place pendant un an.
O. a insisté pendant tous ces mois pour divorcer. Après avoir attendu plusieurs mois, et devant son insistance, j’ai demandé à un ami rabbin de m’aider à remplir les papiers. Nous avons divorcé très vite. La veille de notre comparution au tribunal rabbinique, O. m’a demandé de revenir sur sa décision. Je n’ai pas accepté, ayant déjà fait et imaginé dans ma tête, le retour à la solitude.
Après le divorce, ma joie et mon rire sont revenus.
Ce passage marital et la tombée dans la bigoterie de O. m’avaient éloigné de mon désir d’être religieux.
J’ai arrêté tous les actes religieux, me concentrant de plus en plus sur la peinture et la philosophie.
Pour moi, tout est devenu thérapie.
Je ne pense plus « Qui suis-je ? » mais comment changer.
J’ai donc, commencé à ne plus ranger mes souliers quand je rentre dans l’appartement mais à les jeter n’importe où !
Je traque tous ce qui appartient à des mots et aux clichés de l’éducation que j’ai reçue.
L’injonction de faire comme cela ou comme ceci, de ne pas dire cela et ne pas penser ceci.
J’espère me changer en changeant les détails, en nettoyant les poubelles de l’éducation et les habitudes, faire comme ci ou comme ça.
Je me suis éloigné de mon sujet. Du sage David aussi.

AnneAnne,

Te lire est une joie. Je pense à toi.
Affections, Amitiés, souhaits, t’envoyer de l’énergie par mes petites histoires.
Réécrire le rire, clarifier les couleurs.
Je t’embrasse avec les bras grands ouverts.

Ychaï

Huit heures cinquante neuf.

Je n'ai pas relu.

Roger Bénichou-YchaÏ


28 mai 2015 Anne


Cher Ychaï,

Rien n'est plus fort que ce murmure dans lequel j'entends ta vie, éparpillée, comme un puzzle toujours changeant.
Où caser cette pièce-là, et celle ci ?
Cela devient une surface colorée, gaie même quand l'histoire est triste car les mauvais souvenirs sont de la vie passée et nous appartiennent si nous arrivons à ne pas leur appartenir.
Merci de cette confiance.

Ici c'est pareil. Vivre avec quelqu'un qui se comporte comme un gamin et accumule les conneries, crois-moi, c'est très dur.
On a déjà beaucoup de choses à gérer et j'aimerais que chacun fasse ce qu'il a à faire en prenant en compte ses problèmes et en essayant de ne pas les aggraver par bêtise.

Je t'embrasse avec toute mon amitié.

AnneAnne


27 mai 2015 Roger

Vingt sept mai deux mil quinze. Douze heures six.

AnneAnne,
J’ai voyagé hier en fin d’après-midi vers la Colline du Printemps, Tel-Aviv, en taxi collectif assez inconfortable.
Arrivé vers dix neuf heures dans l’immense horrible nouvelle station centrale des bus.

Je me suis souvenu alors des travaux que j’ai effectués dans l’appartement que mon ex-femme avait acheté dans ce vieux quartier. Je descendais tous les jours en autobus ou en taxi collectif, de la vraie montagne qu’est Jérusalem. Je devais bricoler dans cet appartement, en mauvais état, dans un immeuble vieilli. Vieux, dans notre contexte israélien, signifie à peu près cinquante ans.

Le Film avec dan Wolman.
Après avoir envoyé le petit film « le Périple à Tel-Aviv », où j’avais joué comme acteur principal, à Tamy U., elle l’envoya à Dan Wolman.
Ce metteur en scène me téléphona aussitôt pour me demander si je voulais participer au film qu’il était en train de faire. Nous avons attendu quatre ans avant qu’il sorte sur les écrans.
J’étais descendu en autobus à Tel-Aviv.
Je perdis un quart d’heure à chercher l’autobus numéro quatre qui devait me conduire à l’ancien port, très bellement restauré.
Je m’étais imaginé faire une belle ballade avant d’aller voir le film de Dan Wolman. Dans ce film, je joue le rôle d’un grand chirurgien français spécialisé dans les opérations. Sa spécialité était de ne pas laisser de cicatrice.
N’ayant pas eu la patience d’atteindre le port, l’autobus étant très lent, je sortis de l’autobus dans une rue centrale parallèle au bord de mer. J’atteignis la plage dans l’intention de marcher, mais à ma grande déception, une grande partie de ce bord de mer était en restauration.
J’ai marché un peu, et bifurqué vers l’intérieur en pensant rejoindre la cinémathèque à pied. Ce que je fis, après avoir demandé la direction et acheté une bouteille de bière dans un magasin Green.
J’avais rendez-vous avec Evelyne K. à vingt heures trente à la cafétéria. Craignant d’arriver en retard, j’avais pris un taxi.
J’attendis donc Evelyne K. Voyant le temps et l’heure de notre rendez-vous passer, je lui téléphonai. Elle s’était trompée de date et avait pensé que nous avions rendez-vous le jeudi.
Gilad, une autre connaissance, ne vint pas non plus.
Je me suis donc retrouvé seul pour me voir sur l’écran.
Je raconterai ultérieurement l’histoire de ce film dans un film. Il raconte l’histoire d’un metteur en scène qui projette son film.
Le film où j’acte se nomme « l’Opération ». C’est le film intérieur. Le film extérieur s’appelle « l’Angoisse du Metteur en Scène ».

Je voulais aussi écrire dans le dernier courriel ma rencontre avec le sage David. Gendre de Baba Salé. Si cela t’intéresse, tu peux chercher sur « You Tube » ou « Wiki », s’il y a quelque chose sur Baba Salé. Je ne l’ai pas encore fait car, c’est en écrivant que j’en ai eu l’idée.

Mon appartement rue des Prophètes.
Après avoir acheté, ce bel appartement, situé au numéro soixante huit de la rue des Prophètes -rue « ha Néviim »- en plein centre ville, avec l’aide de ma mère. Pour que je puisse utiliser mes droits d’immigrant, ma mère décida de se faire immigrante aussi. Un immigrant seul n’a aucun droit.
Il faudrait écrire un fil spécial sur l’histoire de cet appartement. Histoire devenue malheureuse à cause d’un escroc qui se prétendait constructeur d’appartements. Mon neveu travaillait chez lui et était son ami d’enfance. Ce neveu me conseilla de vendre l’appartement que j’occupais depuis trente ans. Ses arguments étaient mon âge, les suites de mon opération à cœur ouvert, qui, d’après lui, ne me permettraient plus de monter les quatre étages. En échange, il me proposait d’acheter chez son ami malhonnête deux studios à côté de grand marché, « Mahané Yehouda ». Ce studio n’était pas construit. J’ai acheté sur plan en faisant confiance à mon neveu. Les studios devaient être finis en trois ans. Ils n’ont jamais été construits. Cet homme monstrueux nous a volé, ainsi que les autres personnes crédules qui lui ont fait confiance. J’attends depuis neuf ans, après plusieurs jugements, une petite compensation.

En arrivant en Israël, je voulais devenir religieux et j’ai commencé à étudier dans des centres d’étude appelés « yéchiva » –(« yéchiva », au pluriel « yéchivot » - être assis-, « lachevet » signifie « s’asseoir »).
Habitant rue Néviim, j’ai cherché dans mon nouveau quartier une synagogue pour participer aux prières. Je découvris une petite synagogue rue Borochov très sympathique. J’y suis resté quelques mois. Je ne me souviens plus pour quelle raison, un des membres de cette congrégation, me parla de la synagogue du sage David. Je visitai ce lieu. Peu à peu, je me détachai de la rue Borochov pour fréquenter la maison de prière du sage David, rue des Graines. Ce lieu de prière avait été construit par la grand-mère de ce sage, qui avait son lieu de vie en arrière de la synagogue.
Le sage lui-même habitait un peu plus loin dans la même rue, avec sa femme (la fille de Baba Salé) et ses six enfants.
Je retrouverai les photos de ces rues.

Je suis passé dans mon ancien quartier hier. Tout a été transformé. Les hautes maisons de vingt étages ont détruit tout ce quartier qui entourait la rue des Prophètes.

Je me suis attaché à ce sage et à ces lieux. Je suis devenu très proche de lui. J’allais le matin avant le lever du soleil, taper sur le carreau de sa fenêtre pour réveiller le sage David. Après quelques minutes, il ouvrait la fenêtre et me donnait les clés pour ouvrir la synagogue. J’ouvrais le lieu et commençait à préparer le café que nous prenions ensemble avec la petite communauté à la fin de la prière du matin.
J’étais devenu le bedeau… Ha ! Ha ! Ha !… Cela me rappelle Max Jacob.
Après quelques années, j’ai, comme tous les jours, tapé sur le carreau. Je n’ai pas eu de réponse.
Je suis retourné chez moi, ne sachant pas pourquoi le sage n’avait pas ouvert. Je n’ai pas imaginé qu’il était mort dans son sommeil et ne l’ai su que vers midi.
J’ai beaucoup à écrire sur le sage David. Je dois mon mariage à sa femme.

AnneAnne,

Douze heures quarante neuf.
Vraiment, je pense à toi, voudrais écrire plus longuement, savoir des nouvelles de ta santé, de tes yeux et sur tout ce que tu voudras bien m’écrire.
Avec mon amitié chaleureuse et heureuse.
Ma cure de désintoxication se poursuit et mes souffrances diminuent.

Ychaï

Je ne relis pas. 

Roger Bénichou-YchaÏ


23 mai 2015 Roger 2


Vingt trois mai deux mil quinze à quinze heures cinquante.

AnneAnne,
Le dos passe.
Dans le dos, il y a des points que l’être solitaire ne peut atteindre.
Pour soulager mes démangeaisons, ni le coin du mur, ni le manche de la brosse ou du balai, ni tous les instruments imaginés, ne peuvent m’aider.
La ou le solitaire ne peut soigner certaines blessures et autres maux.
Même les neurones miroirs ne peuvent aider…
De mon côté, je travaille avec la volonté et la méditation. En dehors des moments d’immobilité, quand je reste assis ou couché pour ralentir la vitesse de mon cerveau, j’invente toutes sortes de moyens pour que les démangeaisons disparaissent. Malheureusement, ces disparitions sont temporaires, elles reviennent.

Les associations.
Le sage David disant qu’il ne faut pas porter son couteau à la bouche.
Ayant porté mon couteau que j’avais piqué dans un morceau de fruit et l’ayant porté à la bouche, il me dit : « et si, par malchance, quelqu’un passait et par inadvertance poussait ton coude, le couteau irait se planter dans ta bouche ».
Depuis, chaque fois que je vais porter mon couteau à la bouche, je pense à ce sage.
J’ai accompagné le sage David pendant plus de quatre ans, jusqu’à sa mort.
Son domicile et la synagogue qu’avait fondée sa grand – mère se trouvait dans la petite rue des « Garinin », rue « des graines ». La rue s’appelait ainsi parce qu’il s’y trouvait un marchand de graines.
(Faire ou rechercher photo de cette rue et des bâtiments.)
J’habitais rue des Prophètes au numéro soixante huit à cinq minutes de cette petite rue.
Je raconterai ces années.
C’est la femme de ce sage qui a organisé mon mariage avec Catherine T. Elle avait pris le nom d’Odélia quand elle a émigré en Israël.

Colette B.
Une serviette de toilette toujours prête.

Je commençais, dans les escaliers des appartements que j’habitais, à déboutonner ma chemise. C’était un geste de réminiscence, je revoyais mon père faisant ces gestes en montant les escaliers de la rue Pélissier.
Une rebouteuse russe, qui m’avait été conseillée par mon élève Yaïr H., pour me rebouter le dos. En me rhabillant, elle me vit enfiler mon pantalon debout en équilibre sur une jambe, m’apprit à ne pas faire cela.
Je n’oublie pas cette leçon, mais, je continue à enfiler mon pantalon en équilibre sur une jambe en pensant à elle.
Je jette avec joie ma chemise après son unique utilisation, dans la machine à laver. Dans mon enfance il fallait porter pendant plusieurs jours la même chemise et les mêmes sous-vêtements.
Les laveuses et la cérémonie du grand lavage sur la terrasse ne se faisant qu’une fois par mois.
A raconter.
A l’époque, où il n’y avait pas de machine à laver le linge, ma mère et les mères nous obligeaient à porter les vêtements plusieurs jours de suite.
Se libérer de l’éducation pour avoir la joie de se sentir libre.
-         ne plus ranger ses souliers, mais les jeter dans un grand geste libérateur au milieu du salon.

-         Le « Word » commence à me faire des problèmes…
-         J’arrête donc.


Roger Bénichou-YchaÏ