lundi 5 septembre 2016

21 decembre 2014 Roger 1

Le vingt et un décembre deux mil quatorze.

Suite de mon histoire avec André H.

AnneAnne,
Je me suis levé à trois heures, j’ai traîné en buvant du café (deux tasses). J’ai aussi tourné autour de ma décision de m’asseoir pour écrire.
Il est maintenant trois heures cinquante.
Fait-il froid à la campagne ? Est-ce que ce changement a provoqué un mieux concernant ton état ?

Comment j'ai connu André.
Après avoir passé une année à Strasbourg, je n’ai pas réintégré l'école ORT, « Organisation Reconstruction Travail ».
J'ai été renvoyé de l’école et du pensionnat avec mon ventre ouvert, suite à mon opération « péritonite aiguë éclatée ».
Qui a pris la décision de m'envoyer à Paris ?
Ai-je fait un séjour en Algérie entre temps ? Nous sommes dans l'année scolaire mil neuf cent cinquante six – cinquante sept.
André H. avait fui la Hongrie en mil neuf cent cinquante six. Il a été aidé par les organisations qui s'occupaient des réfugiés.
Une dame qui s’occupait du logement des réfugiés proposa une place pour la résidence Guy Patin, en précisant que ce foyer n’acceptait que des étudiants juifs.
A cette époque, André H. n’avait pas encore affirmé sa judéité. En Hongrie, il était répréhensible d’être juif. Il eut le courage de se distinguer pour pouvoir être logé dans cette résidence.
André leva le bras et dit qu'il connaissait quelqu'un que cette chambre aurait intéressé.
Les réfugiés partis vers leurs recherches, A. alla dans le bureau de cette dame, lui dit qu'il voulait prendre cette chambre, qu'il était juif et avait eu peur de le dire devant les autres personnes. En Hongrie, il fallait ne pas faire savoir ses ascendances. La dame lui répondit qu'elle s'en était douté et qu'elle même était juive.
Ce fut grâce à cet épisode, qu'il me fut permis de faire sa connaissance.
J'ai été moi-même, après mes nombreuses visites rue Guy Patin, veilleur de nuit pendant une vacance d'été, le veilleur habituel ayant pris ses congés annuels.
J'avais intégré toujours dans le cadre de l'ORT, « Organisation Reconstruction Travail », une école d’électricité située à Montreuil, près de Paris. Je fus renvoyé après seulement quelques mois dans ce lieu.
Je n'étais pas heureux dans cette école, je n'ai jamais été heureux dans les écoles.
J'habitais une chambre dans un appartement où habitait une vieille dame juive polonaise. J'étais indépendant, je n’étais plus dans les internats. Cet appartement se trouvait dans un vieil immeuble situé dans le quartier de la Villette. Il n'y avait ni toilettes ni salle d'eau, il fallait descendre entre deux étages pour libérer ses besoins. Quand au lavage corporel, il me fut difficile de m'habituer à l'évier en vieille pierre. C'était le seul point d'eau de cet appartement.
L'appartement de mes parents à Oran avait une immense salle d'eau avec une très belle douche – sauna, deux lavabos, ainsi qu'un bidet dont je ne comprenais pas l'utilité.
J'avais l’impression d’être indépendant. Je m'étais inscrit dans une école de musique, l'école « Paul Beuscher », située boulevard Beaumarchais. Les cours de guitare se prenaient au premier étage au dessus du magasin de vente d'instruments.
Ce fut mon premier contact avec ce boulevard que je n’ai retrouvé que des années après, en habitant rue du Pont aux Choux, au numéro sept. Dans mes voyages en France, à partir des années mil neuf cent quatre vingt cinq, le café Saint-Claude, au coin de la rue du Pont au Choux et du boulevard Beaumarchais était le lieu de rendez-vous de midi avec Dadou.
Mon frère, étudiant en droit, résidait dans cette maison rue Guy Patin. C'est en allant le visiter que, dans les sous-sols, j'entendis les sons du piano.
Je suivais mon oreille, elle me guidait pour arriver à la source de la musique. Je me suis assis devant la porte de la salle de musique pour écouter les sons du piano. C’était André H. qui jouait. André H., intuitivement, sentit ma présence, ouvrit la porte, m'invita à entrer dans la salle de musique et continua à jouer.
Ce fut cette rencontre qui orienta toute ma vie future.
Chaque chambre de la résidence « Guy Patin » était partagée par deux étudiants.
Les colocataires successifs d’André H. furent Burt Krancer, venu de New – York pour étudier le cinéma, et Paul Mefano, étudiant de composition, au Conservatoire National de Musique, alors situé rue de Rome, près de la gare Saint-Lazare. Mefano m'aida à entrer dans ce conservatoire où je pris des cours de cor d'harmonie avec Monsieur Devemy.
Le cor d'harmonie est une longue trompette dont on enroule le tuyau en rond et qui se joue avec trois pistons.
Je devins ami avec Burt Krancer. Nous faisions de petites randonnées hors de Paris, à la campagne, pour faire des paysages à l'aquarelle. J'avais à l’époque une « deux-chevaux » que je partageais avec mon frère Henri. Nous avons fait un voyage ensemble pour le Mont d'Or.
Mes parents avaient acheté un studio où j’allais de temps en temps.
Burt K. devait continuer sa route pour prendre un bateau à Marseille qui le mènerait en Israël.
A quelques kilomètres de l'arrivée dans la petite ville du Mont d’Or, la voiture glissa sur la neige, tourna sur elle-même, évitant notre chute dans le précipice entre le haut et le bas de la montagne. La voiture était encore en état de marche, nous pûmes donc arriver à la station du Mont d'Or.
J'avais passé quelques vacances dans cette station, j'y avais un ami, fabricant de chocolat, guide de montagne et professeur de ski.
Burt devait prendre son bateau. Cet accident avait pris plus de temps et avait contrarié l'emploi du temps de Burt K., qui avait envisagé et planifié son départ avec exactitude pour les correspondances.
J’avais un ami au Mont d’Or, pâtissier et moniteur de ski, qui eut la gentillesse de conduire avec sa voiture Burt K. à la prochaine gare. Burt K. put ainsi, prendre un train pour Marseille et ne rata pas le départ de son bateau.
J'ai revu Burt lors de son dernier séjour en Israël il y a un mois. Je ne l'avais pas vu depuis quatorze ans.
Il est quatre heures cinquante sept. Je vais me coucher une deuxième fois pour calmer mes douleurs.
Je ne corrige pas ce texte pour l'instant.
Je pense à toi, t’imaginant au milieu des poules, allongée dans une meule de foin s'il fait du soleil.
Me vient dans la tête l'image du tableau de Van Gogh.
Passe une bonne journée avec mon amitié, et la chaleur de ma pensée, l'expression de ma reconnaissance, la joie de sentir ta présence et ta lecture.
Ychaï

Roger Bénichou-YchaÏ


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