mardi 20 septembre 2016

28 janvier 2015 Roger

Vingt huit janvier deux mil quinze. Cinq heures vingt.

AnneAnne,
Bonjour, hier j'ai parlé avec Tali des mes difficultés avec le temps et la chronologie.
Dans le cours de cette conversation, elle m'a expliqué que je n'avais pas l'esprit de la linéarité. Elle m’a conseillé une nouvelle manière d'aborder le classement.
Imprimer la correspondance et mes courriels sur feuilles, les étaler sur le sol ou sur une table, les contempler en les survolant du regard. Dans cette attitude flottante, choisir un mot ou une phrase d’une feuille correspondant à une autre feuille et les mettre l’une sur l'autre.
Cette forme de classement me donnerait une autre respiration et un autre mouvement.
Cette suggestion a ravivé une envie de commencer ce classement.
Suivre cette idée, idée de montage que j'utilise pour la peinture de mon dernier projet.
Tali G. a suggéré que pour la continuation du récit, je devais écrire en prenant pour départ les événements qui se sont passés depuis mon opération du cœur, en mil neuf cent quatre vingt dix neuf, jusqu'à aujourd'hui.
Je vais donc, après avoir acheté une nouvelle imprimante et un gros bloc de feuille « A quatre », réaliser cette idée. Idée qui, pour le moment me libère de l'ordinateur en me donnant un autre espace, en m’enlevant la peur d'effacer maladroitement mes textes.
Dernièrement, en essayant de démarrer les recherches, je me suis aperçu que nombre de mes dossiers étaient vides. Résultat provenant de mes dernières tentatives de classement. D'où, ma peur et ma tristesse.
En ce moment, je suis confus, énervé, sans concentration, cherchant à me forcer à sortir de cet état. Je deviens plus cohérent dans les moments où je t'écris.
Avec les nouveaux cachets, je suis un peu plus calme. Je baille fréquemment dans la journée.
J'ai vu le cardiologue, hier après midi. Le cœur va bien mais il a fortement insisté pour que je reprenne les statines, mon mauvais cholestérol ayant doublé.
Il a insisté sur le fait que mon ancien état d'opéré à cœur ouvert, était dangereux sans statines.
Je me donne quelques jours pour satisfaire ou non, son désir.
Il a posé son diagnostic sur des résultats d'analyses datant de plus de quatre mois.
Ces derniers temps, je repousse tous les jours à me faire faire cette prise de sang, me faire piquer, soit parce que je suis déprimé et que je n’aime pas les piqûres, soit en pensant qu'il me faudrait faire un jeûne de quelques jours avant d'entreprendre ce geste. Donner mon bras avec soumission à une inconnue, qui, souffrant de répéter son geste à longueur de journée, peut chercher inconsciemment à faire souffrir les patients. Patients eux-mêmes soumis à l'autorité d'un médecin généraliste, lui-même soumis à la dictature de la caisse de maladie et des instructions qu’elle donne, et des diktats des laboratoires pharmaceutiques.
Il faudrait que je surmonte ces peurs et ces réflexions pour affronter le Docteur D, mon médecin généraliste, par ailleurs très sympathique. Je lui fais se remémorer le temps de sa jeunesse, temps où il apprenait la guitare.
Il a eu la gentillesse de venir à l’exposition de mon grand collage « A Demain, A Deux Mains » cet été.
Malgré son enthousiasme pour mes talents, il continue de m’engueuler à la réception du résultat de mes analyses.
Pour éviter ses reproches, je repousse de jour en jour l'épreuve de l'analyse de sang.
S'il te plaît, pour éviter de fatiguer tes yeux, ne lis pas mes courriels et attends patiemment que Salomé puisse les lire.
Mes souhaits pour ta santé, souhaits écrit avec la plus grande sincérité, non pas comme il est dit « à tes souhaits » pour le « atchoum », mais avec la conviction que mon souhait soit performatif.
Dans ce sens, celui de la direction et de l’entendement, je t'envoie mes affections. Affections ailées sur un vent choisi pour aller dans la bonne direction, la tienne.
Ychaï


Roger Bénichou-YchaÏ

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