Vingt huit janvier
deux mil quinze. Cinq heures vingt.
AnneAnne,
Bonjour, hier j'ai
parlé avec Tali des mes difficultés avec le temps et la chronologie.
Dans le cours de
cette conversation, elle m'a expliqué que je n'avais pas l'esprit de la
linéarité. Elle m’a conseillé une nouvelle manière d'aborder le classement.
Imprimer la
correspondance et mes courriels sur feuilles, les étaler sur le sol ou sur une
table, les contempler en les survolant du regard. Dans cette attitude flottante,
choisir un mot ou une phrase d’une feuille correspondant à une autre feuille et
les mettre l’une sur l'autre.
Cette forme de
classement me donnerait une autre respiration et un autre mouvement.
Cette suggestion a
ravivé une envie de commencer ce classement.
Suivre cette idée,
idée de montage que j'utilise pour la peinture de mon dernier projet.
Tali G. a suggéré que
pour la continuation du récit, je devais écrire en prenant pour départ les
événements qui se sont passés depuis mon opération du cœur, en mil neuf cent
quatre vingt dix neuf, jusqu'à aujourd'hui.
Je vais donc, après
avoir acheté une nouvelle imprimante et un gros bloc de feuille « A
quatre », réaliser cette idée. Idée qui, pour le moment me libère de
l'ordinateur en me donnant un autre espace, en m’enlevant la peur d'effacer
maladroitement mes textes.
Dernièrement, en
essayant de démarrer les recherches, je me suis aperçu que nombre de mes
dossiers étaient vides. Résultat provenant de mes dernières tentatives de
classement. D'où, ma peur et ma tristesse.
En ce moment, je
suis confus, énervé, sans concentration, cherchant à me forcer à sortir de cet
état. Je deviens plus cohérent dans les moments où je t'écris.
Avec les nouveaux
cachets, je suis un peu plus calme. Je baille fréquemment dans la journée.
J'ai vu le
cardiologue, hier après midi. Le cœur va bien mais il a fortement insisté pour
que je reprenne les statines, mon mauvais cholestérol ayant doublé.
Il a insisté sur le
fait que mon ancien état d'opéré à cœur ouvert, était dangereux sans statines.
Je me donne
quelques jours pour satisfaire ou non, son désir.
Il a posé son
diagnostic sur des résultats d'analyses datant de plus de quatre mois.
Ces derniers temps,
je repousse tous les jours à me faire faire cette prise de sang, me faire piquer,
soit parce que je suis déprimé et que je n’aime pas les piqûres, soit en pensant
qu'il me faudrait faire un jeûne de quelques jours avant d'entreprendre ce
geste. Donner mon bras avec soumission à une inconnue, qui, souffrant de
répéter son geste à longueur de journée, peut chercher inconsciemment à faire
souffrir les patients. Patients eux-mêmes soumis à l'autorité d'un médecin
généraliste, lui-même soumis à la dictature de la caisse de maladie et des
instructions qu’elle donne, et des diktats des laboratoires pharmaceutiques.
Il faudrait que je
surmonte ces peurs et ces réflexions pour affronter le Docteur D, mon médecin
généraliste, par ailleurs très sympathique. Je lui fais se remémorer le temps
de sa jeunesse, temps où il apprenait la guitare.
Il a eu la
gentillesse de venir à l’exposition de mon grand collage « A Demain, A
Deux Mains » cet été.
Malgré son
enthousiasme pour mes talents, il continue de m’engueuler à la réception du
résultat de mes analyses.
Pour éviter ses
reproches, je repousse de jour en jour l'épreuve de l'analyse de sang.
S'il te plaît, pour
éviter de fatiguer tes yeux, ne lis pas mes courriels et attends patiemment que
Salomé puisse les lire.
Mes souhaits pour
ta santé, souhaits écrit avec la plus grande sincérité, non pas comme il est
dit « à tes souhaits » pour le « atchoum », mais avec la
conviction que mon souhait soit performatif.
Dans ce sens, celui
de la direction et de l’entendement, je t'envoie mes affections. Affections ailées
sur un vent choisi pour aller dans la bonne direction, la tienne.
Ychaï
Roger Bénichou-YchaÏ
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire