Le douze décembre
deux mil quatorze à quatre heures. Presque.
Suite en vrac.
AnneAnne,
Lire, relire ton
courriel, le blanc et le noir. Apprendre à imaginer et à souffrir sans pourvoir
et sans réponses. La réponse, c'est le courriel que tu envoies, le merci aussi.
Merci de la force
que tu as du sortir de toi. De la force qu’il t’a fallu pour surmonter ton
état.
Les mots et le
récit donnent de la force.
Je vais essayer de
m'organiser pour envoyer des photos avec les textes, pêcher, plonger dans les
réserves pour le copier-coller.
Suite en vrac et
fragments.
Dans un des
derniers rendez-vous avec Guy, je lui ai lu un texte qui était pour lui,
important. Il me fit part de sa dernière idée, « comment arrêter les
guerres ».
Il propose de
parler aux ouvriers des usines de guerre, de les inciter à cesser de travailler
et ne plus fabriquer d'armes.
Je lui ai répondu
en expliquant les positions négatives et l’impossibilité de cette action. J'ai
développé l’explication par la nécessité de se changer soi-même pour éteindre
en nous l’agressivité.
La discussion a
duré longtemps. A mon tour, je l'ai invité à manger une crème brûlée.
Toutes les crèmes du
genre, crème brûlée, îles flottantes de couleurs blanche et jaune, etc…,
ressemblant à des œufs sur le plat me tentent, me font quelques fois transgresser
la discipline rigide que je me propose de faire en fait de nourriture. La
ressemblance entre l’île flottante et les œufs sur le plat et le goût sucré. Le
goût n’est pas une couleur. L’association se fait au niveau de la vision, de la
forme et des couleurs.
Guy a toujours de drôles
d'idées. Je les démonte avec beaucoup de délicatesse.
Aujourd'hui, André H.
se sentant mieux, m’ donné rendez-vous au café Soyo, se trouvant dans la Vallée
des géants, vers le bas, presque en face de mon centre de soins Yuri Stern.
Il a beaucoup parlé
de l'évolution de sa maladie. Il attend avec impatience les résultats de
l'analyse d'un de ses morceaux de moelle épinière. Les résultats seront donnés
lundi. Il redoute l’annonce d’un diagnostic où les lymphomes seraient
cancéreux. Il a mentionné le cancer de Dadou. Il a ensuite raconté qu'il revoit
des parties de sa vie. Il a insisté sur son séjour en Tunisie, où il était allé
comme professeur pour fuir la douleur de ne pas pu avoir épousé Femia.
Elle avait refusé
sa demande en mariage.
Ensuite il me dit
que, seulement maintenant, il comprenait son être et commençait à se sentir
soi-même après avoir passé par toutes les identifications avec ses parents, sa
mère en particulier.
Citant que c’est son
analyse qui avait déclenché ce processus.
Je l'ai beaucoup
interrogé sur ces faits. Le mystère de vivre plusieurs personnages en nous –
mêmes, de l'infini en nous, de la nécessité d’une vision intérieure pour mieux
se comprendre, s'accepter, accepter les autres.
Il a développé et
continué, cela depuis nos premières rencontres, sa théorie de la profondeur.
Je ne sais pas bien
raconter, ma mémoire me faisant défaut. Mes difficultés et ma résistance à l’écrit,
ne m’aident pas à ramasser les idées.
J’ai marché sur le boulevard
de Hébron en pensant t’écrire. Arrivé dans mon appartement, j'avais oublié les
brouillons de courriels qui me viennent en marchant.
Moi, Ha ! Ha !
Les effets
secondaires depuis la prise de cette pilule sont assez inquiétants, à part le
plaisir de dormir plus, de rêver, de me rappeler mon rêve.
Il me faut plus de
temps pour écrire, je dois effacer et écrire de nouveau les lettres que j'entremêle.
Je bégaye, ne trouve pas mes mots. Le manque de concentration et une agitation
durant la journée. Les effets de langue sèche et la perte de l’équilibre se
sont atténués. Je ne maîtrise plus le clavier. Je laisse le mot pour te montrer
l'état dans lequel je suis. Je remarque un plus grand oubli de l’orthographe.
Ma tablette ne veut
plus se connecter. J'attends un sauveur. Ce caprice de l'instrument ne me
permet pas de te faire rire malgré mon désir.
J'ai rencontré par
hasard le docteur L., je lui ai parlé de ces effets. Il m'a proposé de casser
la pilule en deux et d'examiner les résultats.
J'écris sur moi,
non par égoïsme, mais pour chauffer mes doigts et mon cerveau.
Il faut un peu se
raconter pour descendre dans les profondeurs.
J'ai reçu un
courriel de mon vidéaste. Il me précisa que je peux choisir les tableaux à exposer
dans cette galerie hollandaise. Je dois m'atteler pour écrire un papier et lui envoyer
des photos pour avoir le feu vert du propriétaire de la galerie.
Je dois conserver
mon enthousiasme pour aboutir vers cette exposition et ne pas retomber dans ma
procrastination, mon inaptitude à me présenter et à mon manque d’efficacité.
Lutter contre mon
côté négatif et ma résistance à l’entreprise extérieure.
Je m'admire et
m'aime quand je peux faire apparaître le mot ENTRE.
Entre temps, entre
nous deux, entre nous, entre les gouttes de pluie (passer).
J'ai envie de ne
plus me corriger pour que tu aperçoives mon problème de dissociation.
Envie d'enlever
tous les « me » et les « moi ». Cette interversion « enveler »
et « enlever » par exemple.
Quatorze heures
quarante. Mon neveu ne va pas tarder à me téléphoner pour m'apporter sa voiture.
Voiture qui appartenait à ma sœur, vieille de presque vingt ans.
Si ma tablette ne
veut pas se reconnecter, je laisserai toutes les fautes de frappe et de
dyslexie.
AnneAnne,
Merci de ta
confiance. Sache que les mots peuvent guérir. J'écrirai la moitié de la journée
même si la tablette ne veut pas se reconnecter.
Il faudra que
j'invente ma propre WI-FI.
Ychaï.
Salomé est-elle
toujours avec toi ?
Roger Bénichou-YchaÏ
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