lundi 5 septembre 2016

12 decembre 2014 Roger

Le douze décembre deux mil quatorze à quatre heures. Presque.

Suite en vrac.

AnneAnne,

Lire, relire ton courriel, le blanc et le noir. Apprendre à imaginer et à souffrir sans pourvoir et sans réponses. La réponse, c'est le courriel que tu envoies, le merci aussi.
Merci de la force que tu as du sortir de toi. De la force qu’il t’a fallu pour surmonter ton état.
Les mots et le récit donnent de la force.
Je vais essayer de m'organiser pour envoyer des photos avec les textes, pêcher, plonger dans les réserves pour le copier-coller.

Suite en vrac et fragments.
Dans un des derniers rendez-vous avec Guy, je lui ai lu un texte qui était pour lui, important. Il me fit part de sa dernière idée, « comment arrêter les guerres ».
Il propose de parler aux ouvriers des usines de guerre, de les inciter à cesser de travailler et ne plus fabriquer d'armes.
Je lui ai répondu en expliquant les positions négatives et l’impossibilité de cette action. J'ai développé l’explication par la nécessité de se changer soi-même pour éteindre en nous l’agressivité.
La discussion a duré longtemps. A mon tour, je l'ai invité à manger une crème brûlée.
Toutes les crèmes du genre, crème brûlée, îles flottantes de couleurs blanche et jaune, etc…, ressemblant à des œufs sur le plat me tentent, me font quelques fois transgresser la discipline rigide que je me propose de faire en fait de nourriture. La ressemblance entre l’île flottante et les œufs sur le plat et le goût sucré. Le goût n’est pas une couleur. L’association se fait au niveau de la vision, de la forme et des couleurs.
Guy a toujours de drôles d'idées. Je les démonte avec beaucoup de délicatesse.
Aujourd'hui, André H. se sentant mieux, m’ donné rendez-vous au café Soyo, se trouvant dans la Vallée des géants, vers le bas, presque en face de mon centre de soins Yuri Stern.
Il a beaucoup parlé de l'évolution de sa maladie. Il attend avec impatience les résultats de l'analyse d'un de ses morceaux de moelle épinière. Les résultats seront donnés lundi. Il redoute l’annonce d’un diagnostic où les lymphomes seraient cancéreux. Il a mentionné le cancer de Dadou. Il a ensuite raconté qu'il revoit des parties de sa vie. Il a insisté sur son séjour en Tunisie, où il était allé comme professeur pour fuir la douleur de ne pas pu avoir épousé Femia.
Elle avait refusé sa demande en mariage.
Ensuite il me dit que, seulement maintenant, il comprenait son être et commençait à se sentir soi-même après avoir passé par toutes les identifications avec ses parents, sa mère en particulier.
Citant que c’est son analyse qui avait déclenché ce processus.
Je l'ai beaucoup interrogé sur ces faits. Le mystère de vivre plusieurs personnages en nous – mêmes, de l'infini en nous, de la nécessité d’une vision intérieure pour mieux se comprendre, s'accepter, accepter les autres.
Il a développé et continué, cela depuis nos premières rencontres, sa théorie de la profondeur.
Je ne sais pas bien raconter, ma mémoire me faisant défaut. Mes difficultés et ma résistance à l’écrit, ne m’aident pas à ramasser les idées.
J’ai marché sur le boulevard de Hébron en pensant t’écrire. Arrivé dans mon appartement, j'avais oublié les brouillons de courriels qui me viennent en marchant.

Moi, Ha ! Ha !
Les effets secondaires depuis la prise de cette pilule sont assez inquiétants, à part le plaisir de dormir plus, de rêver, de me rappeler mon rêve.
Il me faut plus de temps pour écrire, je dois effacer et écrire de nouveau les lettres que j'entremêle. Je bégaye, ne trouve pas mes mots. Le manque de concentration et une agitation durant la journée. Les effets de langue sèche et la perte de l’équilibre se sont atténués. Je ne maîtrise plus le clavier. Je laisse le mot pour te montrer l'état dans lequel je suis. Je remarque un plus grand oubli de l’orthographe.
Ma tablette ne veut plus se connecter. J'attends un sauveur. Ce caprice de l'instrument ne me permet pas de te faire rire malgré mon désir.
J'ai rencontré par hasard le docteur L., je lui ai parlé de ces effets. Il m'a proposé de casser la pilule en deux et d'examiner les résultats.
J'écris sur moi, non par égoïsme, mais pour chauffer mes doigts et mon cerveau.
Il faut un peu se raconter pour descendre dans les profondeurs.
J'ai reçu un courriel de mon vidéaste. Il me précisa que je peux choisir les tableaux à exposer dans cette galerie hollandaise. Je dois m'atteler pour écrire un papier et lui envoyer des photos pour avoir le feu vert du propriétaire de la galerie.
Je dois conserver mon enthousiasme pour aboutir vers cette exposition et ne pas retomber dans ma procrastination, mon inaptitude à me présenter et à mon manque d’efficacité.
Lutter contre mon côté négatif et ma résistance à l’entreprise extérieure.
Je m'admire et m'aime quand je peux faire apparaître le mot ENTRE.
Entre temps, entre nous deux, entre nous, entre les gouttes de pluie (passer).
J'ai envie de ne plus me corriger pour que tu aperçoives mon problème de dissociation.
Envie d'enlever tous les « me » et les « moi ». Cette interversion « enveler » et « enlever » par exemple.
Quatorze heures quarante. Mon neveu ne va pas tarder à me téléphoner pour m'apporter sa voiture. Voiture qui appartenait à ma sœur, vieille de presque vingt ans.
Si ma tablette ne veut pas se reconnecter, je laisserai toutes les fautes de frappe et de dyslexie.
AnneAnne,
Merci de ta confiance. Sache que les mots peuvent guérir. J'écrirai la moitié de la journée même si la tablette ne veut pas se reconnecter.
Il faudra que j'invente ma propre WI-FI.
Ychaï.
Salomé est-elle toujours avec toi ?

Roger Bénichou-YchaÏ


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