Vingt et un janvier deux mil quinze.
Une heure trente huit.
AnneAnne,
Malgré les appels du muezzin, je n'ai
pas pu écrire.
Bouleversé, émotif, d'une grande
fragilité.
J'ai rendez-vous avec le Docteur
L. ce jeudi.
Dormant assez longtemps, la pilule
aidant, très nerveux et sans aucune concentration dans la journée.
Je pense à toi, dans le silence, le
silence de l'écrit et non de l'esprit. Un esprit où les fils s’entremêlent. Je
n'ai pas eu de nouvelles de ta dernière visite à ton médecin.
Retour de Shiraz. Descente vers la
Turquie.
Ai-je déjà écrit notre départ de
Shiraz vers Téhéran ? Pour l'instant, je ne me rappelle que la descente du
plateau iranien vers les plaines de la Turquie.
Est-il probable que ma tristesse de
devoir quitter la Perse provoqua mon accident?
Une cicatrice à côté de l’œil droit
qui, en me regardant dans une glace de temps en temps, je n'aime pas trop me
regarder, fait remonter en moi toutes les images de ce voyage.
En prenant un virage sur la gauche
sur ma moto, transportant deux passagers, j’ai dérapé sur du gravier, posé là
sans intentionnalité.
Après un saut périlleux, nous nous
retrouvâmes à terre, mon œil saignant, et avec quelques contusions. Mon
passager resté en bon état, mais était effrayé.
Sonnés, encore à terre, un autobus
rempli de touristes anglais, s’arrêta. Les accompagnateurs de ce groupe
descendirent et nous secoururent.
Sonnés, encore à terre, un autobus
rempli de touristes anglais, s’arrêta. Les accompagnateurs de ce groupe
descendirent et nous donnèrent les premiers secours. J'admire depuis ce temps, l’efficacité
et l’organisation parfaites des anglais. Pensant à ce sauvetage, monte avec ce
souvenir l’efficacité de leur colonisation en Inde, tout en ayant laissé les
indiens garder leurs traditions. Je suis reconnaissant de leurs efforts et de
leur gentillesse.
Ils nous firent monter dans l'autobus
et chargèrent la moto à l’arrière de leur véhicule.
Ils nous amenèrent dans le plus
proche hôpital qui se trouvait dans une petite ville après la frontière.
Les infirmières me recousirent, nous
donnèrent une chambre. La peur nous prit au milieu de la nuit, nous nous sommes
enfuis. Je ne me rappelle pas comment nous avons atterri dans une gare où,
après mille hurlements, nous avons réussi à charger la moto dans le train et à
trouver des places pour nous asseoir dans les filets pour les bagages. Nous
avions dans ce compartiment bondé, poussé les passagers, escaladé la banquette,
pour nous asseoir dans les filets.
Nous sommes arrivés à Athènes et avons
trouvé un bateau pour Marseille.
Nous avons acheté le droit de rester
sur le pont avec la moto accidentée. Nous n'avions presque plus d'argent. Le
voyage jusqu'à Marseille durait plus d'une journée, j'eus l'idée de raconter
des histoires (dans quelle langue ?) pour pouvoir manger.
Les passagers nous apportèrent de la
nourriture en guise de récompense. Nous avions plus que la quantité nécessaire.
Ainsi, nous avons pu faire participer à nos repas les autres touristes
désargentés.
L'arrivée à Athènes ne me laisse que
le souvenir de notre visite aux restes du Parthénon sous un soleil de plomb.
J'avais eu un bon auditoire pour mes
récits et pour la musique que je leur jouais.
Dans le voyage pour la Perse, dans l’un
de nos arrêts, j'avais joué de ma guitare, assis sur un parapet du port de
Dubrovnik. Un très bel endroit où j'ai eu l'impression d'avoir très bien
interprété mes morceaux. Un des moments heureux de mes concerts.
Deux heures neuf.
La suite, si tout va bien, sera le
récit de mon séjour de récupération dans ma famille.
Je leur empruntais de l'argent pour
acheter un billet de train pour mon passager Serge qui voulait retrouver sa
famille et ses amis à Paris. Il avait passé de bons et mauvais moments dans ce
voyage. Ces moments ont provoqué un refroidissement dans nos rapports.
Après quelques jours, ma moto étant
remise en état de marche, je pus reprendre la route pour Paris.
AnneAnne,
La musique de mes souhaits pour un
état de santé meilleur et durable.
Je rêve que le souhait soit
performatif.
Avec la musique, sur l'onde, je fais
partir une amitié chaleureuse et l'émotion de te lire.
Ychaï.
Deux heures dix huit.
Roger Bénichou-YchaÏ
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