mardi 20 septembre 2016

13 mai 2015 Roger


Treize mai deux mil quinze. Huit heures cinquante six.

AnneAnne,
Recevoir ton courriel m’a rendu très heureux. Cette joie n’a pas diminué en lisant tes récits de carambolage.
J’avais déjà suivi tes conseils avant de te lire, lire tes conseils m’ont aussi rendu heureux.
Les conseils que tu as écrits sont exactement les conseils que je me suis donné.
As-tu lu mon dialogue avec le docteur L. ?
J’ai repris mon ancien clavier et j’écris sur l’ordinateur et non sur la tablette. J’écris donc avec mes plusieurs doigts.
J’écris pour te faire plaisir sur le « Microsoft Word ».
Mon neveu Net, celui qui est très lent mais très gentil, a enfin pris la boîte de mon ancien ordinateur pour me réinstaller « Ubuntu ».
J’apprends à avoir de la patience.
J’espère pouvoir t’envoyer bientôt la première page de la chronologie.
Je suis excité, mon corps me démange et les crispations sont toujours à l’affût. Je dors bien entouré de matières chaudes :
1) bouillotte (eau chaude brûlante)
2) petit coussin électrique
3) coussin normal sous les genoux
4) petit coussin rond vert sous les entre le talon et le mollet
Je place la bouillotte, depuis deux nuits, entre la tête et les épaules. Les bras étendus le long du corps. De temps en temps un peu de balles de tennis, pas trop ces dernières nuits. Je dors bien sans savoir ce qui se passe dans ma tête. Je me réveille sans savoir si j’ai rêvé.

Neuf heures seize.
Le cinéma Rialto.
Je ne me souviens plus, comment j’ai réussi à convaincre Michelle B. à aller au cinéma Rialto. Ce cinéma se trouvait en face, un peu plus à droite, du magasin de mon père, rue d’Arzew, renommée rue du général Leclerc.
Il y eut un temps où il y avait des rails de tramway sur ce boulevard.
Il ressemblait à la Rambla de Barcelone. Je crois que j’ai une photographie de l’entrée du cinéma. J’aimais l’ambiance, les fauteuils, les odeurs, les jets d’eaux sur la scène qui montaient et descendaient à des rythmes différents, les ouvreuses qui passaient avec leurs paniers de friandises et glaces, panier placé sur le ventre accroché à leur cou par une ceinture.
Michèle était assise à ma gauche. Je ne me souviens plus vraiment de ce qui a pu se passer sur l’écran. Je ne regardais pas le film, je n’entendais pas les dialogues, ni la musique.
J’étais seulement préoccupé par le baiser sur la bouche que je voulais donner à Michèle B. Ma timidité ne m’a pas fait attendre jusqu’à la fin du film pour réussir à obtenir ce baiser.
J’ai l’impression vraie, le souvenir exact sur mes lèvres de la texture de sa peau, après avoir réussi à obtenir ce baiser.
J’ai revu Michelle trente ans après.
Elle habitait une villa dans une banlieue de Paris, était mère de plusieurs enfants. Elle était la fille aînée d’un couple ami de mes parents qui habitait en banlieue d’Oran, une villa rose. De villa en villa.
J’étais ébloui par la villa et le métier du père de Michèle B., armateur de bateaux dans le port d’Oran. Ils se sont repliés à Bayonne en mil neuf cent soixante deux. Michelle B. était plus grande de taille que moi, mais comme nous étions assis cela n’a pas gêné le baiser.
J’ai connu Bayonne, ayant passé des vacances à Anglet, à la colonie de la Plage d’Amour, comme assistant musical d’André Hajdu.
Nous avons bu, dans cette ville, le meilleur chocolat du monde.
Ce seul premier baiser sur la bouche dans le cinéma Rialto fut mon seul premier baiser.
Je ne me rappelle plus si j’ai obtenu, donné ou reçu d’autres baisers sur la bouche de Michèle B.
Il y eut d’autres seuls premiers baisers sur la bouche, mais pour l’instant je ne m’en souviens pas. Je garde l’impression générale que les baisers sur la bouche que j’ai donné et reçus étaient tous des seuls premiers baisers. Je ne me rappelle pas des derniers baisers.
Me viens à l’idée de faire un fil des baisers pour ma chronologie.
Neuf heures quarante cinq.

AnneAnne,

J’attends avec espoir et certitude, le compte rendu positif de ta rencontre avec le technicien des yeux. Quelle est la couleur de tes yeux ? Les miens sont marron clairs tachetés de petites étoiles.
Je continuerai de sauter de joie et de jongler avec les balles de tennis en attendant de te lire. Je continuerai à écrire mes souhaits de bonne santé, de joie, de bonnes surprises sans toiles froissées de tendresse pour S.
Je continuerai de tenter de raconter et de te faire rire avec mes histoires. Je continuerai d’attendre de lire les tiennes.
Je t’embrasse affectueusement, amicalement, entoure tes épaules de mes bras douloureux pour sentir que tu vas bien.

Ychaï

Dix heures.

Roger Bénichou-YchaÏ


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