Vingt neuf janvier
deux mil quinze. Neuf heures cinquante.
Temps bouleversé.
AnneAnne,
Penser à écrire un
petit courriel pour André H.
Penser que cela le
fatiguerait moins. Il ne sera pas dans l'obligation de répondre ni oralement ni
par écrit. Il a reçu une transfusion de sang avant-hier, repris un peu de
forces et de voix, mais reste toujours nerveux et angoissé.
J'ai commencé à
revoir notre correspondance. Après avoir classé sommairement, après avoir acheté
une nouvelle imprimante, j’ai fait sur le sol un dallage de ces feuilles
imprimées, surmonté de haut cette mosaïque, balayant de mon regard flottant les
mots et les phrases, pour que mon esprit choisisse les correspondances.
Ce « faire »
pourra calmer ma répugnance à la sèche classification en se transformant en jeu
souriant barrant la route à ma critique. Critique négative de mes fonctions
créatrices.
Me mettre à genoux
malgré mon âge, redevenir un enfant que je suis toujours resté, faire des tas en
suivant le choix de mon regard flottant que j'avais eu dans la position debout.
Petits tas de feuilles, qui me permettraient ensuite des recoupements et des associations
pour surmonter mon angoisse de l'idée de l'ordre.
Est-ce que je te
parais confus ?
L'idée de Tali G.
suivie de tes derniers conseils m'a donné une énergie pour sauter les
barrières. Je me voyais déjà comme un cheval de compétition dans un concours
hippique.
Maintenant, je me
vois comme un rêveur, un petit prince sur sa petite étoile s’apprêtant à
visiter d'autres étoiles.
Je suis sur la
pointe des pieds m’apprêtant à sauter dans le vide, un vide plein de promesses.
Dix heures quinze.
Ne donne pas de
réponse à mon « comment vas-tu ? ».
Mon espérance est d'essayer
de comprendre les nuances de l'espoir et les couleurs des souhaits.
J’ai foi à la
croyance performative de mes souhaits pour ta santé et ton bien-être, ton être
bien, le bien de ton être physique, spirituel.
Cette espérance que
je garde vivante et chaude.
J’essayerai
d'écrire les événements que j'ai vécu à partir de mil neuf cent quatre vingt
quinze, date de la mort de ma mère. Vingt ans sont passés depuis sa disparition.
Deux mil cinq.
Garder la ligne de
mon récit en parallélisme avec le jeu des petits tas.
Deux mil cinq. J'avais
emménagé dans le studio, dix huit rue Haoman, rue des Artistes. La rue
s’appelle ainsi. Elle est en réalité remplie de commerces en gros, de grands
centres commerciaux, de garages et marchands de pneus, de grandes surfaces de
ventes de baignoires de luxe et de WC modernes, presqu'en or…
J'avais loué cet
atelier d'une surface de trois cent soixante mètres carrés, grâce à Hedi T.
Elle était l’amie de la mère du propriétaire des lieux. J’ai partagé avec
Yaniv, mon élève et un de ses amis, metteur en scène de théâtre très talentueux.
Après quelques
mois, j'ai loué mon appartement rue Neviim, rue des Prophètes, pour pouvoir
disposer de quelque argent. Je me suis installé dans le studio.
C’était un endroit de
béton sans commodité, il n’y avait qu’un lavabo et une toilette. Ces deux instruments
alimentés par le l'eau froide. Il n'y avait pas de chauffage et cette grande
surface était impossible à chauffer.
Pour rester propre,
je devais courir plus d'un kilomètre pour aller à une piscine municipale, rue
de la Vallée des Géants.
J'étais toujours
digne. Et je reste digne dans n’importe quelle situation.
Nous avons commencé
à organiser des concerts et des expositions dans le lieu que j’ai appelé
« Haoman 18 ». Dix huit étant la valeur numérique de la vie. Mon nom
en hébreu est « Haïm ». J'avais espéré faire de ce studio un endroit
vivant et aussi un peu rentable. En hébreu ce lieu s’est appelé « Haoman
Haï », traduction « artiste vivant ». Studio d'artistes avec
deux sens, la vie et le numéro de la rue.
L’hébreu utilisant
les lettres aussi comme chiffres.
André H. y a
organisé beaucoup de concerts et a adopté ce nom pour le groupe qui s'est
constitué grâce à ce lieu.
Ce lieu est devenu
connu et apprécié, mais n'ayant pas beaucoup d'aides financières, mon absence de
contrôle de la langue hébraïque et par mon ignorance des nouvelles
technologies, je n’ai pas pu faire assez de publicité. J'ai du abandonner après
deux ou trois ans l'idée d'en faire un centre culturel. Nous avons récolté moins
que ce que nous avons investi.
Par la suite et le
départ de deux de ses fondateurs, Yaniv S. et Amit, j'ai continué à faire vivre
le studio en y installant d'autres personnes.
Suite plus tard !
Dix heures
cinquante, un peu de soleil.
Je vais aller à
« Haoman Haï », pour voir mes peintures en cours.
AnneAnne,
Aujourd'hui, à la
vitesse de la lumière, l'envoi de mes affections profondes, amicales,
printanières.
L'énorme rosier de
la cour a fait éclore ses énormes roses. (Photos à l'appui).
Ychaï
Roger Bénichou-YchaÏ
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