Vingt six
janvier deux mil quinze. Six heures quatorze.
Quelques jours
ont passé.
AnneAnne,
J'ai reçu ton
dernier petit courriel, petit mais intense, gracieux, lumineux même entre les
lignes. Réconfortant de te savoir, en te lisant, mieux de porter en faisant la
meilleure des choses, se reposer en rêvant.
Je deviens
contre la pensée positive en ayant écouté François Bon.
Quelques jours
ont passé sans écrire mes courriels, des jours d'agitation, entre autres,
provoqués par les événements choquants.
Mais, j'ai reçu
une bonne nouvelle, Louis F. vient passer presque une semaine en Israël et sera
quelques jours dans mon appartement. Le but de son voyage est le mariage de la
fille de son frère Michel F., mariage qui aura lieu à Jérusalem.
Six heures vingt
deux.
Je visite André H.
tous les jours. Je le trouve dans un fauteuil, près du poêle à mazout, avec des
gants, ne parlant pas beaucoup. Il a presque tous le temps les yeux fermés et il
est sans voix. Hier, il m'a semblé être un peu mieux, parlant un peu plus,
souriant, se levant de son fauteuil, pour répondre à son téléphone fixe,
revenant s’asseoir en refermant les yeux.
Je suis parti,
avec moins d'angoisse. Son dernier fils, Shuki H. (surnom), a mis au monde avec
sa femme un fils, son deuxième. Il y aura une petite cérémonie ce jeudi. J'espère
qu'André H. aura la force d'y participer. Il doit aller aujourd'hui à l'hôpital
pour un examen et pour savoir s'il est en état de recevoir sa troisième chimiothérapie.
Six heures
quarante.
Des vagues de
commencement de phrases qui ne se terminent pas en rouleaux.
J'oublie les
premiers mots. Je ne peux reconstruire, finir la phrase.
Je dors beaucoup
avec la double dose du Traz… sans me rappeler mes rêves.
Avec la simple
dose de cent milligrammes, j'arrivais à me souvenir de quelques bribes.
Suite du voyage
du retour d’Iran.
J'étais arrivé à
Marseille. Je suis parti vers Paris après la réparation de la moto…
Je n'ai plus
revu Serge. J'ai eu de ses nouvelles par un intermédiaire.
Il était rentré
en Martinique, faisait parti d'un groupe de musique jouant dans le style de Bob
Marley. Serge était né à Paris de parents martiniquais exilés en Métropole.
A cette
époque, ayant une relation avec Dominique J., je lui ai trouvé un studio rue
des Filles du Calvaire, proche du Cirque d'Hiver. Studio que Lina N. m'avait
recommandé.
Dominique J. a
payé la reprise de ce studio. Après avoir reçu les clés, elle a voulu rénover
la pièce et la cuisine.
Il n'y avait ni électricité,
ni douche, ni aucun confort. Avec un ami menuisier, nous avons commencé les
travaux, peintures, installation de l'électricité, et du gaz dans la cuisine.
Je ne me souviens pas si nous avions installé aussi une douche. Cet ami était assez
bon dessinateur, j’ai gardé dans mes cartons quelques dessins de lui,
Ce studio avait
été occupé par un homme, dont le métier était de sculpter des visages en cire
pour le musée Grévin. Quelques affaires étaient restées dans cette pièce, la
plupart ayant été raflées par le propriétaire avare.
Mais nous avons
retrouvé les outils de son métier de sculpteur en cire et quelques autres
petites affaires.
Le plus étonnant
fut que, en poussant une armoire, nous avons retrouvé un million de francs de
l'époque de mil neuf cent soixante neuf. Le propriétaire n'avait pas pensé à
bouger l'armoire.
Cet ancien
locataire avait vécu dans une grande solitude, sans famille.
Dominique G. a
pu disposer de cet argent, après avoir vérifié et effectué une enquête sur la
vie et la mort de l'ancien locataire. Il était mort seul et n'avait plus
personne au monde.
Elle a pu
entreprendre des travaux plus importants et nous avons partagé l'argent.
Cet argent m'a
permis de payer à ce même propriétaire avare la reprise d'une petite chambre,
composée d'une petite entrée avec un évier, suivie d'une petite pièce, la fenêtre
donnant sur la rue des Filles du Calvaire.
Cette rue du
Pont aux Choux où habitait Lina au numéro vingt deux. Mon nouveau petit studio se
situait au numéro sept.
Après cette
transaction, j'ai invité Dadou et quelques autres amis dans un restaurant
tunisien avec cet argent trouvé.
Ce repas était
devenu un mythe, relaté et fut raconté pendant de nombreuses années.
Sept heures dix.
Deuxième café.
Essayons de
retrouver le fil…
C'était encore
le temps de la « Quatre Chevaux ».
J'ai hébergé dans
cette petite chambre deux chatons que l'on m'avait confié à garder pendant les
vacances de leur maître habituel. C'était presque la première fois que je
partageais ma vie et mon logement avec des petits animaux. Ces petits chats
étaient très agités.
Un de
leurs jeux préférés, était de se coucher, pendant la nuit, un du côté de mon
oreille droite et l'autre de l'oreille gauche. Le jeu continuait car ils
s’amusaient à faire pipi là où ils avaient choisi de passer leur nuit,
c'est-à-dire sur l’oreiller de chaque côté de ma tête.
Je n'avais
aucune idée sur la manière de réprimer leur comportement.
Un peu plus
tard, un autre ami me confia son petit chien pour la durée de son voyage.
Je n'ai compris,
dans ma grande naïveté et après deux mois de garde que cette garde allait être
définitive.
N'ayant pas plus
d'expérience, ne sachant pas me comporter avec les animaux, j’essayais de
deviner quel devait être leur régime alimentaire.
Moi – même,
n’ayant aucun ordre alimentaire.
Je n'avais pas
d'argent pour acheter de quoi calmer notre faim. Je traînais avec ce petit
chien noir, très beau, dans les rues.
En passant dans
la rue du Temple, je remarquai qu'il y avait un théâtre dans une impasse. Ce
théâtre d'avant garde, devenu célèbre depuis. Comme des badauds, le petit
chien et moi, nous sommes entrés dans ce lieu par curiosité. Les personnes à
l’accueil étaient très prévenantes, m'ont renseigné sur la pièce qui allait se
jouer et sur les conditions d'entrée.
Le prix des
places étaient calculé par une grande roue tournante, qui, après avoir actionné
le mécanisme, s'arrêtait sur un chiffre. J'ai fait tourner la roue et elle
s'arrêta sur zéro, ce qui nous donnait l'entrée gratuite. Il y avait aussi une
collation gratuite. J'ai pu ainsi me restaurer avec mon petit chien. Les
personnes à l’accueil m'ont demandé si le petit chien n'aurait pas peur en
entendant les coups de feu des faux revolvers qui faisaient partie de la mise
en scène.
A ma réponse
négative, c'est à dire, que le chien n'aurait peur et se tiendrait sur mes
genoux, ils nous ont invités gentiment à entrer dans la salle de spectacle.
Nous nous étions
bien restaurés et avons été enchanté par la pièce de théâtre.
Le petit chien
avait beaucoup apprécié la pièce et la soupe qui nous avait été offerte.
Je l'avais
caressé tout le long du spectacle.
AnneAnne,
Je me prépare
pour sortir. Sept heures quarante cinq.
Porte-toi bien,
avec mes souhaits et mes affections grandement amicales.
Ychaï
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