Jérusalem le douze juillet deux mil
quatorze à dix sept heures quarante cinq, heure israélienne.
AnneAnne,
As-tu vu le soleil ?
As-tu lu le soleil ?
Tu as vu Serge, Malie, Soraya, Djamchid,
en mil neuf cent cinquante neuf.
Je n'ai jamais pris de photos. Ces
photos ont été prises par Malie.
J'ai reçu en 1982 en cadeau un appareil
photographique avec des films que l'on devait porter dans un magasin de
développement qui, après une semaine, vous remettait contre remboursement les
photos noir et blanc ou en couleurs.
Je n'avais jamais pris de photos de ma
vie. J'ai commencé à en prendre pour cataloguer mes tableaux.
Je suis passé ensuite aux
appareils numériques, mais comme je n'aime pas lire les notices, j'ai toujours
des problèmes. De toutes les façons, je m'aperçois que de plus en plus, je ne
fais pas de progrès pour comprendre les manipulations des
appareils comme le téléphone, la machine pour faire travailler les objets
de loin, ou mettre en marche le four électrique. Je sais encore changer
une ampoule, mais j'ai peur de monter sur un tabouret depuis que j’avais failli
me tuer, une fois, quand le tabouret avait glissé.
J'ai été très heureux à Shiraz, courant
de concerts en répétitions, parlant avec les musiciens, me promenant avec Djamchid
quand il n'était pas en train de répéter.
J'étais nourri, logé avec tous les
billets gratuits, grâce à mon statut de chercheurs et à la gentillesse du
Ministre de la Culture.
La ville était très belle. Je me sentais
comme dans un paradis. J’avais lu dans mes livres d'enfants une description de
ce pays.
Le temps est passé très vite. Le
festival s'est terminé au bout de trois semaines. La fin du festival, comme
toute fin, m'a traumatisé au point que je ne me souviens plus de mon retour
vers Téhéran.
J'ai retrouvé Djamchid dans cette
capitale. Il m'a amené au Souk, ce marché dont les marchands ont entretenu
Khomeny, quand il habitait en France.
J'ai été choqué un jour. Djamchid
m'a invité dans une maison de thé ; le serveur ne voulait pas me servir.
Djamchid a du lui certifier que j'étais musulman, pour pouvoir boire cette
boisson qui, en Iran, avec leurs gâteaux, avaient le goût de la nourriture
imaginé du paradis.
Les glaces à l'amidon sont aussi une
spécialité iranienne. Elles ont un parfum et une transparence angéliques.
J'ai été aussi invité dans un restaurant
de cuisses de poulet. A cette époque, je mangeais encore de la viande. Nous mangions
dans un jardin oriental. Nous étions servis comme des princes.
Nous avons repris la route pour revenir
sur la Turquie. Après la frontière, ayant commencé la descente, nous avons eu
un accident. Après avoir glissé sur du gravier, la moto nous a projetés sur le
bas-côté.
J'ai souvent pensé que cet accident a
été provoqué par ma tristesse de quitter la Perse.
AnneAnne,
Je rependrai tout à l'heure le récit et
la description de mon état et celui de Serge après cet accident.
Porte-toi bien. Quand je pense à toi,
souvent je te souhaite dans mon cœur, le retour de toutes tes forces et de ta
santé.
Je n'ai pas encore commencé ma
cure d'argile verte.
Amitiés. Il fait très chaud aujourd'hui.
Mon amitié aussi. Et encore plus.
Ychaï.