lundi 20 juin 2016

12 juillet 2014 Roger 3

Jérusalem le douze juillet deux mil quatorze à dix sept heures quarante cinq, heure israélienne.

AnneAnne,

As-tu vu le soleil ?
As-tu lu le soleil ?
Tu as vu Serge, Malie, Soraya, Djamchid, en mil neuf cent cinquante neuf.
Je n'ai jamais pris de photos. Ces photos ont été prises par Malie.
J'ai reçu en 1982 en cadeau un appareil photographique avec des films que l'on devait porter dans un magasin de développement qui, après une semaine, vous remettait contre remboursement les photos noir et blanc ou en couleurs.
Je n'avais jamais pris de photos de ma vie. J'ai commencé à en prendre pour cataloguer mes tableaux.
Je suis passé ensuite aux appareils numériques, mais comme je n'aime pas lire les notices, j'ai toujours des problèmes. De toutes les façons, je m'aperçois que de plus en plus, je ne fais pas de progrès pour comprendre les manipulations des appareils comme le téléphone, la machine pour faire travailler les objets de loin, ou mettre en marche le four électrique. Je sais encore changer une ampoule, mais j'ai peur de monter sur un tabouret depuis que j’avais failli me tuer, une fois, quand le tabouret avait glissé.

J'ai été très heureux à Shiraz, courant de concerts en répétitions, parlant avec les musiciens, me promenant avec Djamchid quand il n'était pas en train de répéter.
J'étais nourri, logé avec tous les billets gratuits, grâce à mon statut de chercheurs et à la gentillesse du Ministre de la Culture.
La ville était très belle. Je me sentais comme dans un paradis. J’avais lu dans mes livres d'enfants une description de ce pays.
Le temps est passé très vite. Le festival s'est terminé au bout de trois semaines. La fin du festival, comme toute fin, m'a traumatisé au point que je ne me souviens plus de mon retour vers Téhéran.
J'ai retrouvé Djamchid dans cette capitale. Il m'a amené au Souk, ce marché dont les marchands ont entretenu Khomeny, quand il habitait en France.
J'ai été choqué un jour. Djamchid m'a invité dans une maison de thé ; le serveur ne voulait pas me servir. Djamchid a du lui certifier que j'étais musulman, pour pouvoir boire cette boisson qui, en Iran, avec leurs gâteaux, avaient le goût de la nourriture imaginé du paradis.
Les glaces à l'amidon sont aussi une spécialité iranienne. Elles ont un parfum et une transparence angéliques.
J'ai été aussi invité dans un restaurant de cuisses de poulet. A cette époque, je mangeais encore de la viande. Nous mangions dans un jardin oriental. Nous étions servis comme des princes.
Nous avons repris la route pour revenir sur la Turquie. Après la frontière, ayant commencé la descente, nous avons eu un accident. Après avoir glissé sur du gravier, la moto nous a projetés sur le bas-côté.

J'ai souvent pensé que cet accident a été provoqué par ma tristesse de quitter la Perse.
AnneAnne,
Je rependrai tout à l'heure le récit et la description de mon état et celui de Serge après cet accident.
Porte-toi bien. Quand je pense à toi, souvent je te souhaite dans mon cœur, le retour de toutes tes forces et de ta santé.
Je n'ai pas encore commencé ma cure d'argile verte.
Amitiés. Il fait très chaud aujourd'hui. Mon amitié aussi. Et encore plus.

Ychaï.


12 juillet 2014 Roger 2

AnneAnne,

Bonjour, je suis toujours heureux de te lire.
Je viens d'envoyer par « Shutterfly » trois dossiers :

 - La fresque sans explications.
 - Persépolis avec les noms.
 - Un autre dont je viens d'oublier le nom.

Je vais maintenant au studio.
J'espère t'écrire plus tard.

Mes amitiés et mes souhaits

Ychaï


12 juillet 2014 Roger 1

AnneAnne
 

C'est vrai que je suis préoccupé, mais je continue à tisser parce que c'est seulement cela qui me calme, comme Pénélope.

J'ai préparé des photos de Persépolis que je t'envoie par « Shutterfly » et que tu pourras ouvrir.
Je les envoie avec des petits commentaires.
Pour les abris, il est conseillé de rester dans les escaliers, de descendre deux étages. J'habite au troisième.
C'est la consigne.
Merci de ton mail. 

Bonne nuit et à deux mains, à demain.

Ychaï



11 juillet 2014 Roger 2

« ...Et nous aussi, une fois. Jamais plus. Mais d'avoir été une fois cela, même si ce ne fut qu'une fois : avoir été de cette terre semble irrévocable. » - Rainer Maria Rilke (Élégies De Duino - La neuvième élégie, extrait)

AnneAnne, Grandes amitiés.

Je suis un peu épuisé. Je vais dormir.


11 juillet 2014 Roger 1

Essai de reprise du voyage en Iran.

Jérusalem le onze juillet deux mil quatorze à quinze heures cinquante.

AnneAnne,

Merci pour ton mail. Te lire, c'est voir des lueurs.

Shiraz,
Nous avons été accueillis par Djamchid, heureux et étonné de me retrouver.
Il nous a aidé à nous installer à la cité universitaire où tous les participants au festival étaient hébergés. Nous avions, Serge, moi et l'australien, chacun sa chambre à soi.

Il est cinq heures et je n'arrive pas à démarrer le voyage.
J'ai appris qu'il faut descendre deux étages. J'habite sous le toit qui est une terrasse. L'abri est loin. Attendre dix minutes après l'alerte et remonter.
Les escaliers ne s'écroulent pas.
Folies, disproportions…

Shiraz est une ville où tout est fleurs, roses, jasmins, hortensias.
Les cafés sont des jardins. La cité où nous habitons est moderne, grande et agréable. Chaque fois que je prends la moto, je trouve une personne qui me hèle pour que je la dépose quelque part. C'est ainsi que j'ai rencontré Soraya et Mali.
Soraya est restée avec moi. Elle a dormi dans ma chambre deux nuits. Elle a du partir ensuite, son mari lui avait envoyé ses gardes du corps. Elle était proche du Chah.
Je n'ai pas été inquiété. Je t'ai envoyé sa photo il y a quelques courriels.
Mali qui s’appelle maintenant Malie Létrange, Létrange est son vrai nom, est toujours une amie qui m'a beaucoup écrit et est venu me visiter une fois ici.
Tous les musiciens habitaient cette cité. La nuit, l'orchestre gamelan de Bali, étant sous décalage horaire, répétait leur répertoire, jusqu’à ce que les plaintes affluent et qu'à mon grand regret, il soit obligé de jouer aux heures ouvrables. J'étais déçu d'avoir perdu le charme de leur musique dans ces nuits persanes.
Je courais de musicien en musicien, de groupe en groupe dans un état second, excité comme dans mes moments les plus hauts, ceux où il faut augmenter les doses.
La moto me permettait d'être dans tous les coins de Persepolis et de Shiraz.

J'étais souvent avec Djamchid et écoutais toutes les répétitions qu'il faisait avec les groupes de musique persane et avec son maître Téhérani Hossein.

Imagine un rêve qui ne s'est pas reproduit.
AnneAnne,
Je retourne me coucher, malgré l'heure. Il est seulement cinq heures. Mes doigts ne me suivent plus.
Tu ne m'as pas écrit à propos de ton épaule. Je me suis promis de commencer l'argile, ce que je n'ai pas encore fait.
Porte-toi bien. Je te le souhaite de tout mon cœur qui te salue profondément.

Ychaï.

J’espère vite reprendre une forme souriante avec une vraie joie.


9 juillet 2014 Anne

Cher Ychaï,

Moi aussi je suis coupée de l'actualité. Pas de télé, je ne lis pas le journal de Luc, mais parfois quand il allume la radio pour la météo, on entend quelques informations. Mais je ne les écoute pas, je veux dire que je n'enregistre pas avec mon cerveau pensant. J'ai entendu ce qui s'est passé la semaine dernière. Sans t'y rattacher, parce que j'ai bien compris comment tu vis, hors du monde et de ses affrontements. Tu n'es pour rien dans ce contexte de guerre et cela ne te concerne pas. Mais tu es au milieu malgré tout.
J'espère que mes pensées te mettront à l'abri de tout.

AnneAnne avec mon amitié



9 juillet 2014 Roger

Jérusalem le neuf juillet deux mil quatorze à vingt deux heures quarante sept.

Reprendre l'histoire

AnneAnne,

Je suis toujours à côté, un peu en retard et beaucoup dans l'Entre.
Je n'ai pas écouté depuis quelques jours les informations. J’étais préoccupé.
Je me suis réveillé hier en pensant entendre la sonnerie de mon réveil que j'utilise pour me lever pour t'écrire.
La voisine est venue frapper à ma porte. Après qu'elle m’ait expliqué la raison de sa venue, j'ai compris que ce n'était pas la sonnerie de mon réveil mais l'alerte. Nous sommes descendus dans l'abri, et c'est ainsi que j'ai appris ce qui s'est passé depuis la semaine dernière.
Je suis isolé. Quand mes amis ou mes neveux me rappellent à la réalité, je suis étonné et je deviens triste.
J'aimerais savoir que tu vas mieux de tes épaules et en général.
Ces derniers temps, je n'ai pas vu d'amis. Je suis entre l'atelier qui est vide, les danseuses étant en vacances, et l'appartement, où je travaille aussi beaucoup.
C'est ainsi que je suis à côté.
J'écoute depuis aujourd'hui les nouvelles par la radio française.
AnneAnne,
J'écrirai plus tard et je te souhaite une très bonne nuit.

8 juillet 2014 Roger

Suite du séjour à Ispahan

Jérusalem le huit juillet deux mil quatorze à dix sept heures dix neuf à l’heure israélienne.

AnneAnne,

Il semblerait que ce peu de repos pris cet après-midi, m’a permis de faire remonter quelques forces.
Je suis en train d'éplucher les agendas que je suis heureux d'avoir gardés. Ils me permettent de préciser les dates dans mes tableaux chronologiques. Je pensais avoir fini avec toutes mes archives, mais je me suis rappelé qu'il y a encore une malle en fer qu'il me reste à ouvrir et à fouiller. J’espère y pêcher des informations. 
J'ai trouvé des noms, dans les agendas, que j'avais oubliés. Ils me permettront de rétablir beaucoup de points et de rencontres.

Séjour à Ispahan
La ville est d'une beauté parfaite, avec une lumière très pure et ce bleu turquoise qui me touche profondément.
Le toit où nos lits étaient placés dominait la place principale rectangulaire de la ville. J'ai regardé longuement les gens qui marchaient, s’arrêtaient pour discuter où qui s'intéressaient aux marchandises proposées par les échoppes. Je sentais, à leur manière de marcher, la vraie différence entre Téhéran et cet oasis entre deux grands déserts qu’était Ispahan.
C'était un endroit que je quittais à regret. Pourtant, généralement, je ne regrette pas beaucoup de villes. Je ne suis pas nostalgique.
Nous avons repris la route le lendemain. Les kilomètres défilaient sur un paysage poussiéreux de pierres et de broussailles. Le seul événement qui a brisé cet ennui est la crevaison d'un pneu. Prenant mon courage à deux mains, seul, car Serge ne m'aidait pas beaucoup, j'essayais de comprendre comment démonter la roue pour placer les rustines.
J'ai réussi, mais après quelques mètres, le pneu s'est dégonflé. Je n'avais pas remis les rayons dans le bon ordre.
Mon ardeur à vouloir arriver à ce festival et revoir Djamchid a provoqué des miracles.
Serge croyait déjà mourir de soif, notre imprévoyance ne nous ayant pas fait pensé à emporter de l'eau. Tout d’un coup surgit une voiture. Depuis plusieurs heures, je n'avais pas rencontré ni voitures, ni chameaux, ni camions.
La voiture s'est arrêtée. Serge, mourant de peur, est resté auprès de la moto.
J'ai pris la roue de la moto et les sauveurs m'ont déposé dans un garage qui se trouvait dans un village à trente kilomètres. J'ai eu la chance de trouver une autre voiture qui m'a déposé où Serge m'attendait. La nuit commençait à tomber. Je me suis dépêché de remettre la roue tout en étant très étonné de moi-même et de mon habilité de mécanicien. Je n'avais jamais changé de roue de ma vie ; j'avais su faire du vélo sans en posséder personnellement mais n'avait pas eu d'ennuis de crevaisons.
Je ne me souviens plus de la suite et de la fin de la traversée du deuxième désert. Je ne me souviens plus où nous avions dormi, mangé, et bu. Je me souviens de l'arrivée fabuleuse dans ce deuxième oasis, Shiraz, de ma joie et de mon cri d'être encore en vie pour ce festival, après quatre mille kilomètres de route en tenant dans mes bras la vie de Serge, son poids, le poids des bagages et de la moto (en gros plus de cent cinquante kilogrammes qui m'ont donné des gros muscles aux épaules et aux bras).

Serge, mon élève charmant, était un métis de mère blanche colonialiste et de père guadeloupéen noir marxiste. Il était né à Paris, ses parents ayant fui l'esclavage des îles.

Je fais une petite pause. Je reprendrai le récit du retour plus tard.

AnneAnne,
Je t'imagine à la campagne de mon imagination, avec de l'herbe verte et charnue, des pommiers en fleurs, des pruniers, les branches chargées de fruits rouges et juteux ployant jusqu'à terre. Des vaches dans les prés, beuglant et agitant leurs cloches. Les paysans calmes et chantant des chansons provençales avec leurs charrettes revenant des champs sur les chemins caillouteux et poussiéreux.
Toi, accoudée à la fenêtre, attendant le coucher du soleil, avec ta main droite sur ton épaule gauche.
Une bonne nuit.
Est-ce que tu suis le débat enragé des ANPR (A Ne Pas Rater) à propos d’Alain ?
Une bonne soirée sans douleurs.
Ton ami reconnaissant qui t’es gré de ta présence et de tes lectures.

Ychaï

7 et 8 juillet 2014 Roger

Journal écrit le huit juillet et suite du voyage Téhéran – Persépolis.

Jérusalem le huit juillet deux mil quatorze à huit heures vingt cinq, toujours à l'heure israélienne.

Chère AnneAnne,
J'avais pensé me réveiller vers une heure trente pour t'écrire, mais encore une fois, la fatigue a eu raison de moi.
J'avais très mal dormi la nuit dernière. Mon épaule gauche ne me laissait pas de répit.
Ma douleur me rappelle tes douleurs, malgré le plaisir de recevoir tes courriels.
Je m’inquiète. Je ne voudrais pas ajouter une tension supplémentaire à tes épaules. Dans ce sens, un seul mot ou deux : je vais mieux, je reprends des forces, je souffre moins, ton courriel m'a fait rire, continue à m'écrire… Cela me suffira jusqu'au rétablissement complet de ton épaule.
Journée du sept juillet deux mil quatorze.
J'y pense et je m'aperçois des oublis rapides malgré les rappels à ma mémoire que je fais dans la journée pour penser que je ne vais pas oublier les phrases qui ont été formulées.
Je me suis levé assez tôt, dans l'espoir de t'écrire, mais ma procrastination a pris le dessus. J'avais rendez-vous avec Nurit pour une séance de Shiatsu à neuf heures trente. Ce soin a calmé mes douleurs et m'a donné l'énergie pour aller au studio continuer la nouvelle fresque. Je suis à la recherche de nouvelles façons de résoudre les problèmes de support et de choix de colle, tout en étant content de l'avancement et des promesses que la contemplation du « Work in Progress » me procure.
J'avais rendez-vous avec Estie à onze heures trente, une collègue du studio de Mousrara, qui devait me demander quelques conseils et prendre un morceau de bois pour un faire une règle.
Elle est venue en retard et elle est restée jusqu’à treize heures trente.
J'ai un problème avec le programme. Je ferme et je continue sur une autre page.
Elle est donc partie, je suis resté jusqu'à quatorze heures trente. J’étais à la limite de mes forces, sachant que je devais revenir au studio vers dix huit heures trente pour faire le modèle pour Keren dont le studio est en face du mien. La séance a duré jusqu'à vingt et une heures trente. J'ai discuté ensuite avec Yaniv, un ancien élève qui habite la Croatie et qui doit faire un spectacle important au Musée d'Israël.
Le problème de ce programme est revenu.
J'ai regardé la fresque sur le mur et j’ai  indiqué quelques indications pour une correction future à la craie blanche.
Je suis rentré à pied jusqu'à l'appartement en pensant t'écrire. J’ai mangé mon riz organique. Cet effort m'a épuisé et j'ai choisi de me coucher en me promettant de me lever au milieu de la nuit pour ma correspondance.
Dans ma tête, les phrases que je composais dans la journée étaient plus riantes.
J'avais revêtu ma tunique jaune canari, achetée 35 euros dans un « Monoprix ».
Un achat pour lequel j'avais longuement hésité. La mode de cette chaîne de magasin, étant dans les couleurs vives, avait attisé un désir que je n'ai pu réprimer. Après trois ou quatre essais de répression, je me suis enfin décidé. Je suis entré, j’ai choisi ma taille dans le rayon féminin, cet article n'existant pas dans le rayon masculin, je me suis présenté à la caisse en demandant si c'était la bonne taille, en prétextant que c'était un cadeau pour ma fille qui avait la même corpulence que moi.
Tu sais que je n'ai pas d'enfants. N'osant pas dire que ce cadeau était pour moi, j’ai inventé ce mensonge. J'ai payé à une caissière charmante qui n'avait pas l'air de croire mon histoire. J'étais heureux en imaginant la tête des israéliens devant mon allure.
Personne n'a fait attention à moi, ayant complété ma tenue en portant un chapeau de paille féminin que j'avais acheté il y a deux ans et que j'avais honte de porter. Je n'ai pas compris mon courage de sortir vêtu de cette façon, ayant ajouté des lunettes très noires et un masque de chirurgien contre les microbes et les odeurs d’essence de voiture. Je n'ai pas été remarqué. Il y a juste eu des réactions étonnées à mon arrivée au studio. 
Ma collègue n'a pas voulu que je pose avec ces vêtements. J'ai du revêtir ma blouse de peintre et aussi retirer  mon chapeau. Je me suis fait prendre en photo par Yaniv. Je t'enverrai les photos quand je les recevrai. Je suis resté écouter la musique que Yaniv compose pour cet événement qui aura lieu le dix juillet et durera toute la nuit. Je compte y assister, mais comme André donne un concert le même soir à Tel_Aviv (la Colline du Printemps), j'irai au musée à mon retour.
J'ai encore beaucoup de choses à écrire pour cette journée, mais je préfère continuer la suite du voyage.
Téhéran-Khom, une des villes saintes de la Perse.
Ayant plus ou moins fini les préparatifs pour la traversée des deux déserts qui séparent le nord du sud du pays, nous avons pris enfin la route pour Shiraz, après avoir fait des remerciements sincères au père de Djamchid.
Le voyage s'est bien passé jusqu'à Khom, où nous nous sommes arrêtés pour faire une petite pause touristique. Dans notre innocence, nous avons voulu visiter la mosquée, sans savoir que l’entrée était interdite aux païens. Heureusement, à part des regards interrogatifs, étonnés et un peu agressifs, nous n'avons pas été inquiétés.
Le désert s'est fait de plus en plus désert jusqu'à l'oasis merveilleux de la ville d'Ispahan.
Nous avons cherché un hôtel pour passer la nuit, nous restaurer et visiter un peu.

L'hôtel consistait à un lit sur le toit à la belle étoile. Les nuits de cette partie de l'Iran étaient d'une beauté telle que je n'ai pas pu dormir (les citoyens de cette ville dormant tous sur les toits de leur maison). J'avais aussi été ravi par une partie de la soirée que nous avions passée dans un café avec un jardin rempli de rosiers et d'arbustes de jasmin où un conteur avec une canne jouait et récitait les « Milles Et Une Nuits ».

J’arrête car les ennuis avec le programme n'énervent et je vais passer sur « Google Mail ».
A tout à l'heure.
Je te souhaite de tout coeur une bonne journée sans douleurs et remplie de joie.
Amitiés plus que sincères et profondes

6 juillet 2014 Roger

Suite du voyage en Iran
Jérusalem le six juillet deux mil quatorze à neuf heures cinq, heure israélienne.
J'ai du faire une erreur de date hier.

AnneAnne,
Je me suis énervé contre moi-même, hier, après avoir subi la disparition de mon texte par la faute de la bille rouge.
Mon neveu, à qui j'ai fait appel, a pu faire resurgir le texte, mais le choc émotif m'a laissé sans goût pour reprendre l'écriture hier soir. J'ai été me coucher.

Dubrovnik, la petite Venise. Actuellement en Croatie.
Je suis allé visiter mon élève Yaniv qui habite Zagreb, il y a trois ans.
Me revient à l'esprit, en pensant à l’itinéraire du voyage, cet arrêt que nous avions fait dans cette belle ville. Nous avions décidé d'y passer la nuit. En nous promenant sur le port, nous nous sommes arrêtés sur la jetée. J'ai joué longtemps sur la guitare que j'avais emportée en plus de tous nos bagages et que Serge a gardée sur son dos pendant tout le trajet.
Ce concert, avec pour seul auditeur mon élève Serge, m'a laissé un souvenir indélébile.

Daniel Epstein, mon ami philosophe, allant en vacances dans cette ville, à ma demande, est allé sur le lieu de ce concert.

Téhéran-Chémiran

Deux ou trois nuits à Chemiran, dans cette villa très agréable. Nous n'avons pas visité la ville. Mon obsession de ne pas rater l'ouverture de ce festival avait conquis le plaisir de faire du tourisme.
J'ai contacté le ministre de la culture en me présentant comme ethnomusicologue pour avoir un support et une aide. J'ai été reçu par un ministre très sympathique, qui après avoir entendu le récit et le but de mon voyage, a été stupéfait et m'a accordé la gratuité complète de l'hébergement avec les artistes du festival dans la cité que le gouvernement avait mis à leur disposition à Shiraz.
La nouvelle de mon arrivée en moto pour ce festival a provoqué des interviews que je n'ai pu lire, publiées en persan dans certains journaux.
J'ai contacté aussi d'autres musicologues. J'ai réussi à rencontrer la veuve d'un des plus grands musiciens. Il était décédé depuis quelques années. Elle m'a permis d'écouter des enregistrements de son mari. Je n'avais qu'un petit magnétophone que je n'ai pas osé mettre en marche, étant trop ému et fasciné par l'écoute de cette musique et le salon merveilleux où elle m'avait installé.
J'ai contacté aussi le docteur Safvate, un musicologue et grand musicien, ayant fait des études en France et parlant un français parfait.
Il avait écrit un livre sur la musique persane et était directeur d'un centre pour la préservation de cette musique.
Je savais qu'il était soufi ; je lui ai demandé de rencontrer son maître. Il m'a amené à une soirée où après quelques préludes, ce mystique kurde a joué de son instrument, le « tanbour ».
Ce maître, Elahi, est très connu maintenant en occident, grâce à ses enfants qui ont exploité son enseignement et sa musique.
Tout ce matériel est en ligne et les disques sont en vente. La musique était d'une grande beauté et les participants de cette soirée, (nous étions assis par terre à l'orientale), au fur et à mesure du jeu du maître, se balançaient en poussant des soupirs et de petits cris d'extases. Avant que le maître Elahi se mette à jouer, il avait distribué des petits morceaux de pain (béni par lui-même). Ne comprenant rien à ce qui se passait, j'avais mangé ce pain malgré le regard désapprobateur de mes voisins.
A la fin de cette soirée, le docteur Safvate m'a expliqué que ce morceau de pain n'était pas comme les hosties, ni comme le petit morceau de pain que le maître de maison distribue au repas de Chabbath, et qu'il aurait fallu que je le gardasse.
J'avais ressenti très fort cette musique mais, en occidental parfait et ayant pris une attitude de chercheur objectif, je n'étais pas rentré en transe. Je croyais qu'il était nécessaire, même dans ma recherche mystique, de feindre l'objectivité de la recherche.

Je m’arrête un peu, chère AnneAnne, pour me préparer à aller au studio ayant un rendez-vous avec Esti Haïm, une collègue de l'atelier de peinture de Mousrara, dans lequel nous avons peint ensemble pendant des années avec Hedi et Anatoli.
Mes amitiés et pensées chaleureuses, profondes et proches.
YchaÏ.


5 juillet 2014 Roger 2

Bonsoir AnneAnne

Après avoir écrit deux pages sur mon « libre office »  (j'étais heureux de ces deux pages et sentais le bonheur et la chaleur d'en écrire plus de deux).
La bille de ma souris orthopédique est tombée à terre. Tout mon texte a disparu.
Comme tu le sais, je ne sais pas comment le récupérer.
Avant de reprendre un nouveau texte et d'essayer de me souvenir de ce que j'ai écrit, je vais me calmer en buvant mon café arabica « Rainforest » de qualité et de goût exquis, que j'achète dans mon magasin plus que bio : « Zmora ».
Bien sûr que je pense à toi et à tes épaules.

Je me calme et en attendant te souffle mon amitié.


Ychaï

5 juillet 2014 Roger 1

Essaie de finir le voyage en Iran.

Jérusalem le cinq juillet deux mil quatorze à seize heures quinze et comme toujours à heure israélienne.

AnneAnne,

Tes petits courriels me font toujours plaisir, mais quand je lis que tu souffres des tes deux épaules, cela me désole.
Pour ma part, j'ai décidé de commencer une cure d'argile pour mon épaule gauche dont l’état ne s’améliore pas. Je te donnerai au fur à mesure les résultats.
La ou les cures doivent durer vingt et un jours et si l'on veut continuer il faut faire un arrêt d'une semaine.
J'espère que j'ai répondu à tes demandes de connaissance des personnages sur les photos que j'ai envoyées. Je m'excuse pour mon manque de clarté et aussi pour mon manque de virtuosité informatique.
J'ai envie de relire tous nos courriels. J'ai pensé à tout enregistrer « disk on key » et le porter dans un service qui le mettrait sur papier, me donnant ainsi avec la possibilité de méditer sur ces écrits et le courage de la correction.
J'ai assez de photos pour illustrer mes histoires. J'aimerais les inclure à leur place dans les textes que je t'envoie.
Est-ce un rêve ?
Et si je rêve, je sais que grâce à ma patience, mes rêves se sont presque toujours réalisés.
Je vais essayer de décrire la traversée des deux déserts pour arriver à Persépolis. 

De Tabriz à Téhéran, il nous a fallu, Serge, l'australien et moi, deux jours de voyage.
Le paysage de ce nord-ouest de la Perse, très verdoyant, était magnifique.
J'étais entre la concentration de tenir ma conduite et l'admiration pour les couleurs et les formes qui remplissaient mes yeux. Je devais veiller à ce que cela ne me fasse pas dévier de la route.
Le soir, ce bleu turquoise typiquement iranien se manifestait en passant de la clarté lumineuse à une profondeur de ton, qu’inconsciemment je place dans mes couleurs.
Les deux plus beaux bleus du ciel, pour moi, sont le ciel iranien et le ciel du pays où j'habite en ce moment.
Nous sommes enfin arrivés à la capitale, ville grouillante, bruyante, qui me semblait être comme une fourmilière. Après bien des détours, nous avons trouvé un hôtel, dans ce qui semblait être le centre ville.
L'hôtel étrange que l'on nous avait indiqué, était rempli de voyageurs, la plupart occidentaux et post-soixante-huitards. Toutes les chambres étaient occupées et la langue principale était l'anglais. L'odeur générale extérieure était l'odeur des pneus, car nous étions dans un quartier où se trouvaient les réparateurs de voitures et les garages.
L'odeur générale à l'intérieur de l'hôtel était l'odeur intense du « haschisch ».
Nous avons fait de courtes amitiés et appris (en théorie, sans mettre en pratique), comment envoyer en Europe des kilos de haschisch ou des grammes d'opium en remplaçant les intérieurs de poupées et d'oursons, par de la marchandise interdite.
Djamchid m'avait donné l'adresse et le numéro de téléphone de la maison de son père qui se trouvait à Chemiran, en banlieue.
Un nouveau problème s'est présenté à moi quand j'ai voulu lui téléphoner, les cadrans et numéros de téléphones iraniens étaient écrits en chiffres iraniens.
J'étais donc obligé, pour chaque numéro, de compter sur le cadran circulaire, où était la place de chiffre que je devais composer.
N'oublie pas que les téléphones anciens avaient un cadran circulaire. Je ne sais pas si tu as connu ce téléphone noir, imposant, se tenant comme une statue sacrée dans une place d'honneur, en principe dans le salon, sur un haut guéridon. 
La sonnerie se trouvait sur un mur, une petite cloche avec un petit marteau qui la frappait électriquement et dont la sonnerie rendait étonnamment hystérique.
J'ai enfin réussi à communiquer avec Monsieur Chemirani père. Comme il ne parlait aucune langue européenne, ce fut une conversation laborieuse, mais fructueuse, car nous fumes invités à résider chez lui, comme son fils lui avait recommandé.
Nous nous sommes donc empressés de partir de l'hôtel, où pendant deux nuits nous avons vécu dans les extases provoquées par les odeurs du haschisch.
J'étais vierge de toute fumée, sauf celle de mon addiction sans frein au tabac, à cette époque les gauloises.
Après deux ou plus d'heures de recherche, nous sommes arrivés dans ce beau village au nord de Téhéran.

Nous avons été accueillis comme des rois, par un petit monsieur d'une grande gentillesse et d’une grande amabilité. La cour, comme beaucoup de « patio » orientaux, étaient garnie de rosiers. Du jasmin entourait une pièce d'eau pour rafraîchir l’atmosphère. Après nous avoir conduit dans nos chambres, nous avons pu nous laver (après l'absence de propreté de ce voyage sans eau) dans une salle de bains grande, spacieuse, où tout le sol carrelé était construit pour servir de douche, pas comme en occident où la douche est un petit endroit où l'on se cogne les coudes pour essayer de se laver de haut en bas.

Il semble que c'est à cet endroit que le texte a disparu et que mon neveu a retrouvé hier soir.

AnneAnne, porte-toi bien.

Ychaï

4 juillet 2014 Roger 2


AnneAnne,

Essaye avec ce lien. J'espère que tu pourras l’ouvrir.

A tout de suite.

Ychaï


4 juillet 2014 Roger 1

Jérusalem le quatre juillet deux mil quatorze à neuf heures cinq, heure israélienne.

Anne Anne,

Un jour n'a pas sauté, mais seulement mon intention de t'écrire a été envahie par ma fatigue et j'ai dormi longtemps.

Je regrette ces sauts du temps et mes promesses d'intention.
Ma maladie « bi » aurait besoin de structuration. Mes promesses intérieures se réalisent, les événements et les surprises que la vie engendre, font qu'il faut s'écarter de la grande route de mes intentions, pour suivre les petits chemins.
Je reviens peu à peu vers mon studio où j'ai envahi le salon et mis sur le mur la fresque.
Le bout à bout des fils de mes correspondances et de mes occupations.

J'ai fait une pause pour m'occuper de mes travaux ménagers et du jardin sur mon balcon jusque là négligé. En voulant transvaser la terre d'un tiroir vers un bois qui me servait de pot pour quelques plantes (je suis nul en botanique donc tu n'auras pas les noms des plantes), j'en ai renversé sur le petit toit d’un voisin peu sympathique qui habite au rez-de-chaussée une petite pièce avec cuisine et qui a quatre enfants. Il a crié. J'ai du arrêter mon jardinage pour descendre nettoyer son taudis.
J'avais laissé en plan le vidage et l'étendage de la machine à laver qui venait de finir ses programmes avec le bruit infernal de ces sortes de machines.
J'avais commencé à t'écrire…
J'ai un problème avec les serviettes de table, retrouvées au fond d'une armoire.
Pour avoir le sentiment d'être comme un roi. Je les utilisais sur ma petite table de bistrot que j'ai récupérée, je ne sais où.
Ses serviettes qui datent du trousseau de mariage de ma mère sont très belles. Elles étaient très blanches avant que je ne les utilise. Elles sont à inclure dans le fil du « blanc et du blond ». J’essaye par tous les moyens et les produits chimiques de leur faire retrouver leur blancheur initiale, les ayant tachées avec un café renversé par ma nervosité. Il y a aussi des tâches de curcuma jaune comme le safran, épice dont je me sers souvent pour ma santé. Je l'introduis presque dans tous les mets crus ou cuisinés. Je la prends dans un petit verre mélangé avec de l'huile d'olive de première pression, achetée par cinq litres à Moran, une danseuse eurythmique en fin d'études, qui, elle-même choisit son fournisseur avec beaucoup d'attention.
Je sens que je n'ai pas encore appris les règles d'accord, envoyées par ta gentillesse, il y a quelques temps.
J'ai rendez-vous avec Tali G. à midi. Je sors de ses rendez-vous avec une bonne énergie.
Mon épaule gauche me fait souffrir. Je n’y fais pas attention. La douleur s'accentue par oubli de la laisser reposer.
J'ai vu et été soigné hier à huit heures cinquante par Anne P., qui me traite par le crano-sacral. Elle arrive à me soulager pour la journée.
Je me sers trop de ce bras gauche. Elle me traite depuis un an dans le cadre du centre « Yuri Stern ».
Comme j'ai essayé de travailler à l'atelier, le soulagement a été effacé par mes nombreuses actions.
Je t'ai envoyé des photos illustrant le texte du voyage en Iran. Je n'ai pas encore écrit le séjour à Téhéran et à Shiraz – Persépolis.
Il y a, dans cet envoi, en attaché, la photo du grand australien, celui que j'ai convaincu de rejoindre mon groupe artistique, pour pouvoir traverser la Bulgarie, et ainsi pouvoir arriver au Festival de Persépolis.
Des photos de Serge, mon élève qui s'est tourné vers le reggae à notre retour.
Il était un peu fâché avec moi après le voyage.
Il est parti vivre dans l'île de ses parents pour retrouver ses origines et faire de la musique ethnique. Je n'ai plus eu de ses nouvelles. Il y a aussi une photo de Djamchid Chémirani avec son chapelet et moi. Une photo d'une femme dont je ne me rappelle plus le nom. Elle était mariée, apparentée à la famille du roi. Son mariage l'avait rendue très malheureuse, je l'ai consolée. Nous avons vécu plusieurs jours ensemble. Elle a du me quitter, ayant eu des problèmes avec les personnes qui la surveillaient sur l'ordre de son mari.
C'est dans les ruelles du campus que j'ai rencontré Malie, photographe officieuse du festival, un peu aventurière. C’était en mil neuf cent soixante neuf. Elle faisait du stop. Je l'ai prise sur l'arrière de ma moto.
Nous sommes en communication jusqu’à présent et je t'écrirai notre rapport tumultueux, elle était aussi « bi ».

J'ai reçu un courriel de Frédérique H. Ce courriel m'a étonné. Je lui ai répondu et j’ai senti que je n'avais plus d'amertume à son égard. Je l'avais connue en mil neuf cent soixante treize. Elle était mon élève à la Schola Cantorum où je venais d'être nommé professeur de guitare classique.
J'étais content de pouvoir avoir l'occasion de renouer agréablement avec elle. Je lui ai demandé des renseignements pour préciser les fils de mon tableau chronologique.
J'ai du t'envoyer son courriel, où elle en me demandait de mes nouvelles et l'effet de la mort de Dadou sur moi. Elle connaissait mon attachement et mon admiration pour David.
Elle a vécu avec Loulou, le cousin germain de Dad avec qui elle a eu un garçon, Oscar.
Oscar a joué dans son enfance avec Daniel, le fil de Sylvie et Dad.
Sylvie, la deuxième femme de Dadou, était l'amie de Frédérique.
Sylvie rentrait d'Amérique, après avoir fini ses études de littérature. Nous lui avons trouvé un studio proche de la rue des Blancs Manteaux, (encore le blanc), et du travail dans la galerie Maeght, où travaillait Lina, la sœur de Dad.
Frédérique H. a vécu rue du Plâtre après notre séparation en mil neuf cent soixante dix sept ou soixante dix huit. Je n'ai pas osé lui demander la date. Ensuite elle a pris un studio, avec Loulou, rue Charlot, toujours dans le troisième arrondissement. Ce studio faisait angle avec la rue de Turenne.

AnneAnne,
Je dois me préparer pour mon rendez-vous avec Tali G.
J’espère que tu vas bien.
Chaque AnneAnne que j'écris est toujours frais, nouveau, rempli d'étonnement et illuminé de la lumière du miracle de la rencontre, cette rencontre si profonde et désignée.
Amicale affection surchauffée par les vents du désert qui continuent de souffler.

Ychaï


2 juillet 2014 Anne

Cher Ychaï

C'est vrai, tu joues les « Shéhérazade ». Cette évocation d'un voyage Turquie, puis en Iran, voire plus loin, courant dans ces années-là, rien ne me fait plus ressentir ce monde révolu.
Où sont-ils cet Iran d'Ispahan, cet Afghanistan, cet Irak, dont les noms n'évoquent que violence, occupation des armées russes ou américaines qui laissent les choses pires qu'en arrivant.
Où est-il perdu ce temps insouciant où nous partions sur ces routes, sans craintes, toujours surpris de la gentillesse et du sens de l'hospitalité.

J'arrête-là, ne sachant véritablement plus comment me tenir, les deux épaules douloureuses, impossible de rester assise, à plat dos, à plat ventre.

AnneAnne

J'essaierai plus tard, je commence un traitement anti-inflammatoire.




2 juillet 2014 Roger 2

Jérusalem le deux juillet deux mil quatorze à dix neuf heures trente, heure israélienne. J'attends que vous soyez à la même heure.
Journée très chaude où il faut beaucoup boire pour ne pas se dessécher.

AnneAnne,
Je reprends ce courriel sans me souvenir de ce que j'ai écrit ce matin.
Serait – ce une petite partie de mon journal de la journée du premier juillet ?
Tu demandes qui est avec cette personne sur la photo, mais je ne sais pas de quelle photo il s'agit.
Je dois faire monter les archives. Ce soir, je suis trop paresseux pour le faire.
Le voyage en Iran, suite.
Nous sommes restés, Serge et moi, deux jours à Istanbul, pour nous reposer et visiter un peu cette ville. J'ai gardé le goût des sardines grillées, servies de la barque accostée à la jetée où nous nous tenions, pour les déguster.
J'ai gardé dans mes yeux ce bleu merveilleux des céramiques de l'église Sainte-Sophie.
Les essais des enfants qui voulait toucher la moto et que nous devions défendre pour ne pas continuer le voyage à pied. A l'hôtel, la porte ne fermait pas, alors nous avions posé le matelas contre cette porte.
Les restaurants et les odeurs de ces plats cuisinés noyés dans l'huile jusqu'au cou.
La confiture de roses avec le café turc, assis dans un petit café avant de reprendre la route. Une route longue. Nous avons mis plus d'un jour à rouler avant d'arriver au bas du plateau iranien. Tout un parcours difficile. Traverser les villages était une épreuve : la grande spécialité des garçons, en guise de salut, était d’exhiber leur sexe.
Nous avons commencé la montée vers l'Iran, qui fut longue. Arrivés à Tabriz avant le coucher du soleil, nous avons pu admirer cette couleur turquoise d'un ciel magnifique.
Nous avons été aussi très touchés par un accueil chaleureux où le premier geste était de nous apporter de l'eau.
Nous étions entrés dans un autre monde. Tout était très différent : les paysages, la gentillesse de ce peuple, la douceur de leur langue… Après le passage de l'Europe à l'Asie, je pouvais comparer avec ma sensibilité de petit faux pied-noir, la gentillesse ou l'agressivité des pays que nous avions traversés.
J'étais passé, même vite et inconscient dans trois continents.
Le fil qui reliait ces voyages n’était pas la curiosité ni faire du tourisme mais mon obsession constante de la musique et la découverte des personnes possédant ce don.
J'avais l'intuition que je trouverais et je l'ai trouvée : l'unité d'une vie artistique et spirituelle.
De Tabriz, en passant par les villages et les petites villes, nous sommes arrivés à Téhéran.

Je devrais consulter une carte pour me souvenir de l’itinéraire et des noms.
AnneAnne,
Je continuerai plus tard.
Mes yeux me brûlent un peu. Je fais comme Shéhérazade, je te fais attendre pour ne pas mourir si je finis d’écrire les histoires.
Je sens qu'il me faut plus d'une page pour sentir la chaleur de l'écriture.
M'échauffer à ne pouvoir arrêter d'écrire.
Pour l'instant, je t'envoie avec la chaleur du vent « Ramsin », les cinq vents du désert, ce « Ramsin » qui nous a fait boire quatre ou cinq litres d'eau et transpirer six litres, mes amitiés et la joie que j'ai eue à te lire.
Donc la joie.
Ychaï
P.S.
J'ai rendez-vous avec André Hajdu à vingt heures quarante cinq, dans le petit café qui s’appelle le « Café Jardin », rue de la « Maison du Pain ». Ce café étant toujours vide depuis plus de vingt ans, je soupçonne que ce soit un café de la Mafia qui sert de façade pour blanchir l'argent du haschisch qui arrive en Israël par le Sinaï. Cette même montagne très belle qui a servi à Moïse à transmettre Le Livre. J'y suis monté en faisant le seul petit voyage de trois jours en mil neuf cent quatre vingt deux dans ce désert.
A raconter, je l'avais presque oublié.
Je te lis et je ne sais pas si je te réponds.
Re – Ychaï
« Re – re » pour « encore » et non « R » pour Roger.