mardi 6 septembre 2016

22 janvier 2015 Roger 1

Vingt deux janvier deux mil quinze. Cinq heures dix.
Reprendre le fil si possible.

AnneAnne,
Des jours, pour moi, agités et bouleversés. J'ai rendez-vous à dix sept heures avec L.

Comment vas-tu?
J'ai envie d'écrire : ne réponds pas, j'imagine une bonne réponse.

Nous sortions de l'hôpital turc, mon arcade recousue.
Je racontais des histoires pour que nous soyons nourris par l'auditoire.
Nous étions de retour en France.
En mil neuf cent cinquante six – cinquante sept, il y eu la « Deux Chevaux » que mes parents avaient achetée pour Henri et moi.
Nous nous partagions cette voiture. J'avais fait plusieurs voyages avec cette voiture.
Nous étions partis en Allemagne, avec Daniel B., mon voisin du deuxième étage de la rue Pélissier. Daniel B. voulait retrouver une jeune fille rencontrée rue de la Huchette, un soir de nos errances. Daniel B. semblait être un grand dragueur silencieux.
Nous avons retrouvé cette jeune fille, après un voyage glacial, la nuit.
Sur la route vers, je n'ai pas vu un rond-point, la voiture a passé dessus.
Elle, la voiture, et nous avions eu « plus de peur que de mal ». Expression courante dans la langue française.
J'avais conduit toute la journée presque sans pause. Mes yeux étaient fatigués.
Dans la plupart de mes déplacements, j'ai conduit seul ou avec des personnes qui ne savaient pas conduire une voiture.
Seul vers la Hongrie plusieurs fois. Avec André H. vers la Hollande, avec Burt K. vers le Mont d'Or, où la voiture a dérapé dans un virage enneigé. Accident périlleux au bord du précipice, où je ne sais plus comment la voiture s'est retrouvée dans le sens de la descente au lieu de poursuivre dans la nuit, la montée vers cette station de ski.
Vers l'Allemagne avec Daniel, en « Deux Chevaux ».
Vers la Hongrie avec Dadou et Iona, bifurcation vers l’Italie, « Quatre Chevaux ».
Vers le Maroc avec ma tante et ses deux filles, en Citroën plus moderne, en passant par l'Espagne.
Vers l'Iran avec Serge en moto « Java ».
Toujours être le seul conducteur…
Moto Java avec Loulou en passant par la Belgique pour aller voir les tableaux de Van Gogh à Amsterdam.
Avec Dadou et Loulou vers l'Angleterre, « Deux Chevaux ».
A poursuivre en détaillant. Sélectionner chaque voyage, le développer. Envelopper.
Cinq heures quarante.
Je me suis réveillé vers trois heures déjà épuisé, brisé dans mon corps et mon esprit, par la rumination incessante des derniers événements personnels.
Il me revient dans le fil des instruments appris, quelques uns que je n'ai pas mentionnés ou essayé d'apprendre. L'harmonica, le sétar « se » signifiant « trois » en persan, « tar » comme « guitare ». Le setar a maintenant quatre cordes, cette dernière a été ajoutée par Ali… J’ai oublié la suite du nom de ce grand musicien qui a eu le courage d'innover et de transgresser la tradition à la fin du dix huitième siècle. Apprendre de cet acte.
J'ai perdu le fil que je tenais dans la main au début de ce courriel.

J'ai permis que l'on m'enlève le tapis de dessous mes pieds.
La profondeur de mon exil, terre, langue…
L'illusion d'avoir les pieds sur un bout de terre et aussi la tête, l'esprit dans un bout de ciel.
Être possédé par la folie et dépossédé de l'identité, entre autres.
Du centre, être décentré.
Avoir rêvé le temps comme une spirale et non comme une ligne ou un cercle fermé. Une spirale qui partirait d'un point en traçant une ligne s'élargissant de plus en plus sans se fermer.
Contre l'idée qu'il n'y a pas de changements, que nous ne ferions que répéter les mêmes choses apprises jusqu'à l'âge de quatre ans.
J’hésite à envoyer ces lignes qui sortent de la conduite d'écriture que je m'étais donné.
Pourtant je ne les efface pas.
Ayant perdu le fil de ma pensée, ayant en ce moment une absence de concentration, je laisse à plus tard la suite de ce courriel.
Suite de l'amitié, du désir de t'écrire, de ma curiosité délicate, de l'étrangeté mais…de la chaleur de te savoir une lectrice fidèle, non seulement en me lisant, en ne me lisant pas, pour laisser vivre cet « Entre », cet « Ouvert » qui appelle, comme la spirale partant d'un point s'ouvre sur le mystère de la rencontre et de l'écrit.
Trouver les mots.
Ychaï
Sans petite correction.
Six heures dix.

Roger Bénichou-YchaÏ


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