Vingt sept mai deux mil quinze. Douze heures six.
AnneAnne,
J’ai voyagé hier en fin d’après-midi vers la Colline
du Printemps, Tel-Aviv, en taxi collectif assez inconfortable.
Arrivé vers dix neuf heures dans l’immense horrible
nouvelle station centrale des bus.
Je me suis souvenu alors des travaux que j’ai
effectués dans l’appartement que mon ex-femme avait acheté dans ce vieux
quartier. Je descendais tous les jours en autobus ou en taxi collectif, de la
vraie montagne qu’est Jérusalem. Je devais bricoler dans cet appartement, en
mauvais état, dans un immeuble vieilli. Vieux, dans notre contexte israélien, signifie
à peu près cinquante ans.
Le Film avec dan Wolman.
Après avoir envoyé le petit film « le Périple à
Tel-Aviv », où j’avais joué comme acteur principal, à Tamy U., elle
l’envoya à Dan Wolman.
Ce metteur en scène me téléphona aussitôt pour me
demander si je voulais participer au film qu’il était en train de faire. Nous
avons attendu quatre ans avant qu’il sorte sur les écrans.
J’étais descendu en autobus à Tel-Aviv.
Je perdis un quart d’heure à chercher l’autobus
numéro quatre qui devait me conduire à l’ancien port, très bellement restauré.
Je m’étais imaginé faire une belle ballade avant
d’aller voir le film de Dan Wolman. Dans ce film, je joue le rôle d’un grand
chirurgien français spécialisé dans les opérations. Sa spécialité était de ne
pas laisser de cicatrice.
N’ayant pas eu la patience d’atteindre le port, l’autobus
étant très lent, je sortis de l’autobus dans une rue centrale parallèle au bord
de mer. J’atteignis la plage dans l’intention de marcher, mais à ma grande
déception, une grande partie de ce bord de mer était en restauration.
J’ai marché un peu, et bifurqué vers l’intérieur en
pensant rejoindre la cinémathèque à pied. Ce que je fis, après avoir demandé la
direction et acheté une bouteille de bière dans un magasin Green.
J’avais rendez-vous avec Evelyne K. à vingt heures
trente à la cafétéria. Craignant d’arriver en retard, j’avais pris un taxi.
J’attendis donc Evelyne K. Voyant le temps et
l’heure de notre rendez-vous passer, je lui téléphonai. Elle s’était trompée de
date et avait pensé que nous avions rendez-vous le jeudi.
Gilad, une autre connaissance, ne vint pas non plus.
Je me suis donc retrouvé seul pour me voir sur
l’écran.
Je raconterai ultérieurement l’histoire de ce film
dans un film. Il raconte l’histoire d’un metteur en scène qui projette son
film.
Le film où j’acte se nomme
« l’Opération ». C’est le film intérieur. Le film extérieur s’appelle
« l’Angoisse du Metteur en Scène ».
Je voulais aussi écrire dans le dernier courriel ma
rencontre avec le sage David. Gendre de Baba Salé. Si cela t’intéresse, tu peux
chercher sur « You Tube » ou « Wiki », s’il y a quelque
chose sur Baba Salé. Je ne l’ai pas encore fait car, c’est en écrivant que j’en
ai eu l’idée.
Mon appartement rue des Prophètes.
Après avoir acheté, ce bel appartement, situé au
numéro soixante huit de la rue des Prophètes -rue « ha Néviim »- en
plein centre ville, avec l’aide de ma mère. Pour que je puisse utiliser mes
droits d’immigrant, ma mère décida de se faire immigrante aussi. Un immigrant
seul n’a aucun droit.
Il faudrait écrire un fil spécial sur l’histoire de
cet appartement. Histoire devenue malheureuse à cause d’un escroc qui se
prétendait constructeur d’appartements. Mon neveu travaillait chez lui et était
son ami d’enfance. Ce neveu me conseilla de vendre l’appartement que j’occupais
depuis trente ans. Ses arguments étaient mon âge, les suites de mon opération à
cœur ouvert, qui, d’après lui, ne me permettraient plus de monter les quatre
étages. En échange, il me proposait d’acheter chez son ami malhonnête deux
studios à côté de grand marché, « Mahané Yehouda ». Ce studio n’était
pas construit. J’ai acheté sur plan en faisant confiance à mon neveu. Les
studios devaient être finis en trois ans. Ils n’ont jamais été construits. Cet
homme monstrueux nous a volé, ainsi que les autres personnes crédules qui lui
ont fait confiance. J’attends depuis neuf ans, après plusieurs jugements, une
petite compensation.
En arrivant en Israël, je voulais devenir religieux et j’ai commencé
à étudier dans des centres d’étude appelés « yéchiva » –(« yéchiva »,
au pluriel « yéchivot » - être assis-, « lachevet » signifie
« s’asseoir »).
Habitant rue Néviim, j’ai cherché dans mon nouveau
quartier une synagogue pour participer aux prières. Je découvris une petite
synagogue rue Borochov très sympathique. J’y suis resté quelques mois. Je ne me
souviens plus pour quelle raison, un des membres de cette congrégation, me
parla de la synagogue du sage David. Je visitai ce lieu. Peu à peu, je me
détachai de la rue Borochov pour fréquenter la maison de prière du sage David,
rue des Graines. Ce lieu de prière avait été construit par la grand-mère de ce sage,
qui avait son lieu de vie en arrière de la synagogue.
Le sage lui-même habitait un peu plus loin dans la
même rue, avec sa femme (la fille de Baba Salé) et ses six enfants.
Je retrouverai les photos de ces rues.
Je suis passé dans mon ancien quartier hier. Tout a
été transformé. Les hautes maisons de vingt étages ont détruit tout ce quartier
qui entourait la rue des Prophètes.
Je me suis attaché à ce sage et à ces lieux. Je suis
devenu très proche de lui. J’allais le matin avant le lever du soleil, taper
sur le carreau de sa fenêtre pour réveiller le sage David. Après quelques
minutes, il ouvrait la fenêtre et me donnait les clés pour ouvrir la synagogue.
J’ouvrais le lieu et commençait à préparer le café que nous prenions ensemble
avec la petite communauté à la fin de la prière du matin.
J’étais devenu le bedeau… Ha ! Ha ! Ha !…
Cela me rappelle Max Jacob.
Après quelques années, j’ai, comme tous les jours,
tapé sur le carreau. Je n’ai pas eu de réponse.
Je suis retourné chez moi, ne sachant pas pourquoi
le sage n’avait pas ouvert. Je n’ai pas imaginé qu’il était mort dans son sommeil
et ne l’ai su que vers midi.
J’ai beaucoup à écrire sur le sage David. Je dois
mon mariage à sa femme.
AnneAnne,
Douze heures quarante neuf.
Vraiment, je pense à toi, voudrais écrire plus
longuement, savoir des nouvelles de ta santé, de tes yeux et sur tout ce que tu
voudras bien m’écrire.
Avec mon amitié chaleureuse et heureuse.
Ma cure de désintoxication se poursuit et mes
souffrances diminuent.
Ychaï
Je ne relis pas.
Roger
Bénichou-YchaÏ
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