mardi 20 septembre 2016

27 janvier 2015 Roger

Vingt sept janvier deux mil quinze. Une heure cinquante cinq.

Faire le classement.

AnneAnne,

Une joie de te lire, lire tes petites phrases intenses, claires et belles.
Je lis tes conseils et admire leur constance et leur lucidité.
Je m'efforcerai d'y répondre, tout en constatant ma grande difficulté d'y faire face.
Datant de l'enfance, j'ai une résistance à la chronologie, à apprendre l'alphabet et les nombres, à feuilleter un dictionnaire, un annuaire, et à mémoriser les dates de l’histoire.
Les dictionnaires et annuaires parce que je devais passer par l'alphabet que je n'ai pu apprendre jusqu'à la fin. A, B, C, mais qui se trouble à partir de P.
Je n’ai pas pu, non plus mémoriser les tables de multiplications, les équations, les feuilles de banque, les chiffres, numéros de ma carte d'identité et de la carte vitale.
Est-ce à écrire, tous les moyens faits pour le classement, la mise en boîte, l'ordre.
J'ai imaginé la vie sans cette enfermement, une vie sans passée ni futur.
Être contemporain, de l'homme des cavernes, de mes arrières grands-parents, de mes parents. Je ne peux pas écrire de mes enfants car je n'ai pas eu d'enfants.
J’ai imaginé que j’aurais trouvé ce sentiment de contemporanéité et de continuité en tenant la main de mon propre enfant.
La pensée, dans ce contact, la main du fils dans la main du père qui lui – même a été fils. Une chaîne de mains placées l’une dans l’autre. Une grande et une petite. Pour moi, ce contact est l’Histoire. Sans enfant, je ne sens pas la continuité du temps.  
L'art contient cette puissance de nous rendre contemporains de la peinture des cavernes aux peintures modernes. Contemporains aussi de la musique de toutes les époques. Selon moi, l'émotion ne peut se dater, nous n'avons pas besoin de savoir les dates pour rire, sourire et pleurer.
Deux heures quarante cinq.
J'ai commencé à faire depuis deux ou trois ans, mes tableaux chronologiques, à chercher dans mes archives toutes les indications qui ont pu aider à reconstruire ma mémoire.
Je suis content de lire dans ton dernier courriel, ta pensée qui renforce ma pensée.
Cette pensée qui a fait commencer cette recherche.
Deux heures cinquante cinq.
AnneAnne,
Une pensée m'est venue pour que tu puisses économiser tes yeux.
Est-ce qu'il te serait possible de faire lire mes courriels par Salomé ?
Une pensée qui m'a fait sourire. J’espère qu'elle te fera aussi sourire.
Merci de m'écrire malgré tes difficultés.
Je t'envoie avec la force de l'amitié ma reconnaissance. Connaître, naître à nouveau.
Ychaï.
Trois heures cinq.
Un courriel avec un tout petit peu d'histoires.


Roger Bénichou-Ychaï

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